Ils sont tout de suite entrés dans le vif du sujet. Dès l'ouverture du 89e congrès de l'Assemblée des départements de France ce jeudi 17 octobre au matin à Bourges, à l'invitation du Cher, la réforme fiscale inscrite dans le projet de loi de finances s'est attirée les foudres de tous les présidents. Le remplacement de la part départementale de foncier bâti par une part de TVA continue de les heurter. Un mécanisme prévu, on le sait, par le projet de loi de finances pour 2020, dans le cadre de la suppression de la taxe d'habitation.
"On nous enlève toute autonomie financière" et "la TVA est une recette fluctuante, d'autant plus que l'on entre plutôt dans une phase de récession", a résumé Dominique Bussereau, le président de l'ADF. "Si la TVA était une bonne solution, pourquoi ne pas l'avoir proposée aux communes ?", s'est interrogé Olivier Richefou, président de la Mayenne, personnellement convaincu qu'il faut voir dans ce choix un prélude à la "dévitalisation" des départements.
Une surcompensation de 250 millions
Et d'autres éléments sont venus aiguiser le mécontentement de l'ADF il y a moins d'une semaine. Après des mois de discussions avec le gouvernement, l'association a reçu un courrier du Premier ministre, suivi le lendemain d'un courrier cosigné par les ministres Jacqueline Gourault et Olivier Dussopt. Deux lettres venant acter le sort que le gouvernement compte réserver aux demandes financières formulées par les départements. En commençant par préciser que le montant de la compensation sous forme de TVA, calculé sur la base d'une estimation du foncier bâti départemental pour 2020, sera de l'ordre de 15 milliards d'euros en 2021.
Le gouvernement indique qu'une fraction complémentaire de 250 millions d'euros de TVA sera en outre attribuée aux départements les plus fragiles et connaissant des dépenses sociales en hausse. Sauf que l'ADF attendait au moins 400 millions. Et que ces 250 millions incluent en fait les 115 millions existant au titre du "fonds de stabilisation" (ex-fonds de soutien exceptionnel, accordé depuis plusieurs années comme coup de pouce pour le financement des allocations individuelles de solidarité). "En juin dernier, il nous avait été dit que cette surcompensation pourrait être de 600 millions", a d'ailleurs rappelé Jean-Luc Chenut, le président d'Ille-et-Vilaine.
Comme l'avait demandé l'ADF, une "clause de sauvegarde" susceptible d'intervenir en faveur de tel ou tel département confronté à une "grave crise locale" (du type catastrophe naturelle) est bien prévue. Elle sera financée par la mise en réserve de l'écart entre les 250 millions en 2021 et "le montant de cette fraction de TVA constaté les exercices suivants". Soit une enveloppe de l'ordre de 7 millions. Dominique Bussereau parle d'un "petit zakouski en cas de coup dur".
Péréquation horizontale… sans hausse de taux de DMTO
Là où les choses se corsent, c'est lorsque le gouvernement aborde le dispositif de péréquation horizontale voulu et élaboré par les départements eux-mêmes.
Ce dispositif avait été inscrit dans la précédente loi de finances, pour un montant de 250 millions. L'ADF demandait cette année que cette péréquation monte très largement en puissance, intervienne à hauteur de 1,6 milliard d'euros. Cela ne figure jusqu'ici pas dans le PLF pour 2020. Les courriers indiquent toutefois qu'un amendement gouvernemental va être déposé en ce sens. Les choses sont donc à peu près actées. "C'est une avancée. On nous laisse organiser la solidarité entre nous. Sauf que ça ne coûte rien à l'État", a commenté Jean-Luc Chenut.
Sauf que… cette initiative des départements avait un corollaire : pouvoir relever le plafond des droits de mutation (DMTO) de 0,2%, portant le taux plafond à 4,7%. Or là-dessus, Édouard Philippe oppose clairement une fin de non-recevoir. "Je le regrette beaucoup. Nous sommes extrêmement mécontents de ce refus et nous voterons demain une motion en présence des membres du gouvernement", prévient Dominique Bussereau. "Nous étions prêts à assumer le risque politique d'une hausse des DMTO pour financer une péréquation entre nous et cette proposition est balayée d'une phrase alors qu'en mai 2018, on était proche d'un accord", s'est de même insurgé Olivier Richefou. Pour André Viola, président de l'Aude et président du groupe des présidents de gauche, "il est hors de question d'accepter une proposition du gouvernement si on nous refuse tout pouvoir de taux et s'il n'y a pas d'indexation de la ressource".
Contractualiser sur toutes les politiques sociales
La lettre du Premier ministre inclut deux autres éléments, dans le champ des solidarités sociales. Il s'agit, d'une part, d'une modification de la clef de répartition des mineurs non accompagnés (MNA) entre départements. Cela ne résoudra pas tous les problèmes, mais cela va dans le sens de ce que souhaitait l'ADF. L'idée est de prendre en compte "un critère de population générale et non le critère des moins de 19 ans".
D'autre part, le gouvernement prévoit de généraliser le mécanisme de contractualisation État-département établi en matière de lutte contre la pauvreté. Sont donc à prévoir des contrats également "dans le champ des autres compétences sociales décentralisées" (handicap, dépendance…). La ministre Agnès Buzyn et la secrétaire d'État Sophie Cluzel sont chargées d'y travailler. Une décision qui sera sans doute diversement appréciée par les élus, même si les départements se sont jusqu'ici largement engagés dans la contractualisation "plan pauvreté". "Demain, l'ensemble de nos politiques seront contractualisées. On sera alors de grands commis de l'État", prévoit à grands traits Pascal Coste, président de la Corrèze.
Garrot sur les recettes… et sur les dépenses
"Je lance un appel au président de la République, écoutez-nous", a déclaré François Sauvadet, président de la Côte-d'Or et du groupe "droite, centre et indépendants" de l'ADF, pour qui "on nous asphyxie par la recette après l'avoir fait par la dépense".
Le corset posé sur les dépenses de fonctionnement des grandes collectivités, dont les départements, via les "contrats de Cahors", a été l'autre grand sujet financier ce jeudi matin lors du "débat de politique générale" du congrès. Y compris par la voix de présidents ayant accepté de signer. Pour Jean-René Lecerf, président du Nord, il s'agit aujourd'hui surtout, non de dénoncer ces contrats, mais "d'avoir des interprétations souples de la part des préfets". "Certains préfets ont inclus la participation du département à la contractualisation sur le plan Pauvreté dans les dépenses prises en compte", s'est par exemple étonné André Viola. Jean-René Lecerf estime en tout cas que tout doit être fait pour que ces contrats de Cahors ne soient pas renouvelés au-delà de 2020. Même perspective pour Mathieu Klein, président de la Meurthe-et-Moselle : "reprendre le combat du pacte de Cahors pour empêcher qu'ils ne freinent nos réponses à des besoins sociaux nouveaux par exemple liés au vieillissement et aux services d'aide à domicile".
Mathieu Klein a aussi invité ses homologues à ne pas perdre de vue deux enjeux. D'abord, le fait que la prise en charge du social par la solidarité nationale "n'est pas qu'un débat de compensation financière" mais bien avant tout "une question de justice, d'équité" entre territoires et entre citoyens. "Tant que cela ne sera pas réglé, nous, départements, pourrons toujours bricoler…", dit-il. Ensuite, être vigilant sur la péréquation horizontale : "Être solidaires entre départements, cela ne peut se faire que sur la base du volontariat et uniquement sur les écarts de recettes, de ressources. Si nous acceptons une péréquation horizontale sur les écarts de dépenses, cela nous sera fatal."
C'est Jacqueline Gourault qui était attendue le lendemain à Bourges pour représenter le gouvernement. "Nous attendons de la ministre qu'elle vienne avec des propositions nouvelles", a prévenu François Durovray, président de l'Essonne. La motion de l'ADF qui doit lui être présentée était en cours de rédaction ce jeudi après-midi.
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