l'Etat et les collectivits adoptent une feuille de route commune

April 2024 · 6 minute read

Même les plus sceptiques qualifient l'événement "d'historique"… Après des années de tergiversations, parfois même d'évitement – de part et d'autre -, l'Etat et les collectivités territoriales ont présenté la semaine dernière un programme de développement concerté d'administration électronique (DcANT). Le programme validé début octobre dans le cadre de l'Instance nationale partenariale (INP) animée par le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), en présence de la plupart des ministères et des représentants d'associations d'élus, prévoit dix recommandations opérationnelles d'envergure à mettre en œuvre entre 2015 et 2017. Il laisse espérer l'achèvement de chantiers de dématérialisation, pour certains engagés depuis plus d'une décennie, et la consolidation progressive d'un processus de travail, pour le coup vertueux, puisque ouvert, partagé et surtout coordonné. 
Le ton est donné, dès le préambule du programme d'une vingtaine de pages, qui résonne comme une "profession de foi". L'Etat y reconnaît en effet d'emblée "le rôle moteur joué par les territoires sur le développement de l'administration numérique". On y évoque quelques volontés communes dans le développement de services internes ou à destination des usagers : la mutualisation, des initiatives dont le fil principal serait "l'harmonisation et la simplification des échanges entre les services de l'Etat et les collectivités territoriales", sans oublier le renforcement des capacités d'ingénierie des collectivités locales.
Les faits, à l'image des textes, semblent confirmer ce changement de posture, notamment de la part de l'Etat, à qui il était souvent reproché de prendre seul des décisions engageant les territoires. Après quinze mois d'efforts et de rapprochements, le programme prévoit une gouvernance partagée sur des actions destinées d'une part à renforcer l'efficience administrative, et d'autre part à construire une relation plus unifiée de l'usager au service public. Le tout sera passé au crible de l'évaluation afin de mesurer objectivement l'impact des initiatives prises en commun.

Un programme d'actions en mode collaboratif

Le modèle de gouvernance du programme repose désormais sur deux instances de dialogue : l'Instance nationale partenariale axée sur le numérique et qui réunit les associations d'élus, des collectivités territoriales et les ministères et l'instance de Dialogue national des territoires (DNT), plus généraliste, créée par Marylise Lebranchu en février 2015. Un dispositif décisionnel à triple détente - "on se parle, on propose des règles communes et on travaille ensemble pour les mettre en œuvre" - validé conjointement par l'Etat et les collectivités est défini. Il devrait limiter les risques de cloisonnements, générateurs de dysfonctionnements et de mécontentements. Dans le nouvel environnement, "la concertation se poursuit mais avec, à la clef, des projets à construire ensemble", souligne un participant.

France Connect agents

Parmi les recommandations clefs, côté fonction publique, les partenaires prévoient une simplification des mécanismes d'identification et d'authentification des agents et des élus afin de faciliter les échanges sur une plateforme publique. En ligne de mire, la construction d'un "France Connect agents" qui fera l'objet de travaux réunissant, au sein d'un consortium créé à cet effet, le ministère de l'Intérieur, celui de la Justice, la DGFIP ainsi que neuf collectivités (départements du Calvados et des Alpes-Maritimes, le GIP e-Bourgogne, Mégalis Bretagne, le SI17, l'Alpi, Manche Numérique, le Sictiam et la Métropole Nice Cote d'Azur). Des études seront conduites, elles pourront être suivies d'une phase de prototypage et d'expérimentation en vue de faciliter une industrialisation future.
Autre chantier, réclamé depuis longtemps par les collectivités, celui de l'achèvement de la dématérialisation des actes transmissibles au contrôle de légalité, cela pour éviter de maintenir deux circuits de transmission papier et électronique. Pour le mettre en œuvre, les partenaires prévoient d'étendre le périmètre des actes transmissibles, notamment en augmentant le nombre d'actes et de documents d'urbanisme télétransmis via l'application d'aide au contrôle de légalité dématérialisé ACTES.

Transformer la relation "administrations/usagers"

Le renouvellement des relations entre le citoyen et les administrations est également à l'ordre du jour. Objectif : évoluer vers plus de simplicité et d'unité. Dans cette optique et au-delà des évolutions techniques indispensables, c'est une nouvelle vision des services publics numériques, fondée avant tout sur l'écoute et les besoins des usagers, qui sera mise en avant. A titre d'exemple, la démarche d'un usager ne sera plus comprise dans une logique "un usager – une administration", mais dans une relation plus étendue, impliquant plusieurs intervenants du côté des usagers et des administrations. Quant à la relation "unifiée", elle passera par la mise en place de services transverses, par l'utilisation de systèmes ouverts et interopérables facilitant les échanges de données entre les administrations, comme cela est envisagé dans le programme "dites-le nous une fois".
Côté entreprises, la simplification portera sur un chantier également amorcé depuis plus d'une décennie : la dématérialisation des marchés publics. L'objectif étant de faciliter l'accès des entreprises à la commande publique en simplifiant la phase de candidature à travers la généralisation du marché public simplifié (MPS) et, au-delà, en accélérant l'expérimentation d'une dématérialisation de bout en bout dans le cadre du projet "Full démat 2018". Il s'agira de dématérialiser l'ensemble de la chaîne de traitement en partant de la publication du dossier de consultation jusqu'à l'exécution du marché (devis, commandes, ordres de services, factures…), sachant que le programme de dématérialisation des factures - qui démarre dans les collectivités en 2017 - constitue une brique essentielle de ce processus.

Dématérialisation et archivage des documents publics

Lorsque l'on évoque l'hypothèse d'une dématérialisation de bout en bout, les questions d'archivage et de sécurisation des données deviennent incontournables. En ce sens, le troisième axe du programme formule une série de recommandations destinées à simplifier et à sécuriser la dématérialisation des documents produits par les administrations, et notamment par les collectivités. Il s'agit tout d'abord de favoriser la publication des actes juridiques au format électronique en supprimant l'obligation d'une publication papier pour les collectivités et de faciliter la dématérialisation des registres des délibérations dès lors que les règles applicables en matière d'archivage électronique sont respectées. Les trois dernières recommandations traitent spécifiquement de l'archivage électronique. Elles visent à harmoniser les standards d'archivages de données en vue d'en faciliter la gestion, de renforcer l'interopérabilité entre les applications métiers et l'archivage ou encore de développer des solutions souples favorisant des pratiques mutualisées.

Ecosystème numérique des territoires

En parallèle, le programme vise à faire émerger un nouvel écosystème numérique au sein duquel la puissance publique jouerait un rôle de facilitateur en soutenant l'innovation et en favorisant l'émergence d'opérateurs publics de services numériques.
Derrière cette notion d'écosystème, on retrouve des thématiques de la vision "Service public as a platform", fondée sur le souhait de voir les acteurs publics et privés être mis en réseau, via des espaces d'échanges et de partages d'expériences et d'expertises où les acteurs travailleraient de manière agile et collaborative à la création des futurs services numériques et à la valorisation de biens communs (logiciels, services, données, …).
Un "open lab" tenu mi-mai, réunissant des représentants des ministères, des services de l'Etat et des collectivités a permis de construire une première maquette de cet écosystème. Au cours d'un second atelier, qui s'est déroulé le 16 octobre dernier, les participants ont pu affiner le modèle en travaillant sur le rôle des acteurs et leurs interactions. Des recommandations concrètes devraient, à terme, être formulées. Pour le SGMAP, l'objectif est de définir, d'ici l'été, les "grandes pièces d'un puzzle" qui seront agencées localement en fonction des réalités territoriales. Une nouvelle étape s'engage désormais avec la mise en œuvre opérationnelle du programme et de ses recommandations. Sa réussite dépendra de la volonté et de l'implication de tous les acteurs concernés.

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