la rforme suscite des interrogations

May 2024 · 5 minute read


Au 1er janvier 2023, la gestion de la taxe d'aménagement – qui représentait en 2019 un produit de 1,2 milliard d'euros pour le bloc communal et un demi-milliard pour les départements – et la composante "logement" de la redevance d'archéologie préventive – qui participe au financement de l'Institut national de recherches archéologiques préventives – sera entièrement de la responsabilité de la direction générale des finances publiques (DGFIP). Bercy se prépare en effet à reprendre la mission de liquidation de ces taxes, actuellement réalisée pour l'essentiel par les directions départementales des territoires et de la mer. Une ordonnance prise en application de la loi de finances pour 2021 est parue ce 15 juin au Journal officiel pour fixer les grandes règles de cette réforme qui, à bien des égards, aura des conséquences pour les collectivités locales.

Car l'objectif n'est pas seulement de rendre plus efficace la gestion de ces taxes par les services de l'Etat. Il s'agit aussi d'"établir un processus de liquidation plus simple pour les redevables" et d'"offrir un meilleur service pour les bénéficiaires des taxes d'urbanisme", détaille le rapport au président de la République qui accompagne l'ordonnance.

Recouvrement plus tardif ?

Les modalités de transfert conduisent ainsi à rapprocher le processus de liquidation de la taxe d'aménagement et de la redevance d'archéologie préventive 'part logement' de celui des impôts fonciers gérés par la DGFiP. Dans ce but, l'ordonnance décale l'exigibilité de la taxe d'aménagement, qui, pour rappel, est un impôt sur toutes les opérations soumises à permis de construire ou d'aménager ou à déclaration préalable de travaux. Si actuellement cette taxe peut être appelée au plus tôt dans les 12 mois de l'octroi de l'autorisation d'urbanisme, il n'en sera pas de même à l'entrée en vigueur de la réforme. Elle sera alors exigible trois mois après l'achèvement des travaux, dès lors que le propriétaire aura satisfait aux obligations déclaratives en matière de fiscalité locale via la nouvelle application "Gérer mes biens immobiliers", présente dans l'espace internet du contribuable concerné.

Mais la mise en place de ce nouveau calendrier aura des conséquences bien concrètes pour les collectivités locales : elles ne percevront plus la taxe d'aménagement "12 et 24 mois après l'obtention de l'autorisation d'urbanisme", mais au minimum "90 jours après" le dépôt par le propriétaire de sa déclaration fiscale, comme le pointait l'an dernier le sénateur Jean-Pierre Grand dans une question écrite. L'élu entendait être le porte-parole de nombreux édiles locaux inquiets. Mais Bercy se veut tout à fait rassurant. Dès le mois de décembre de l'année dernière, il affirmait en réponse à une question écrite du sénateur Hervé Maurey que "les ressources des collectivités territoriales ne pâtiront (…) pas de [la] réforme qui doit au contraire renforcer la fiabilité du processus de déclaration et de recouvrement de la taxe d'aménagement".

Acomptes

Pour autant, le gouvernement reconnaît que le décalage de la date d'exigibilité de la taxe d'aménagement à l'achèvement des travaux "est susceptible d'induire un retard dans la perception des recettes par les collectivités locales", mais "dans le cas de projets d'envergure importante". L'ordonnance entend apporter une solution à ce problème : elle instaure l'obligation pour les propriétaires de biens qui, à leur achèvement, auront une surface d'au moins 5.000 m2, de payer deux acomptes. Le premier sera de 50% du montant de la taxe, 9 mois après la délivrance de l'autorisation d'urbanisme, et le second de 35% 18 mois après.

Cette mesure "vient rassurer les collectivités, mais pas complètement", réagit Christelle Gaucher, pilote du groupe de travail "fiscalité et dotations" créé par l'Afigese, l'association qui fédère notamment les spécialistes des finances locales. Ces acomptes doivent en effet être acquittés pour "des opérations immobilières d'envergure", qui "sont loin d'être majoritaires", fait-elle remarquer. En concédant volontiers, cependant, que les retards pris ces dernières années par les services de l'Etat dans la gestion et le recouvrement de la taxe d'aménagement pourraient avoir pour effet d'atténuer l'éventuel "trou d'air" qui naîtrait de la réforme.

Partenariat collectivités-DGFIP

"On a un peu de mal à se projeter", avoue celle qui est membre du bureau de l'Afigese. "Le sujet de l'impact de la réforme n'a jamais été pleinement documenté. Un rapport de l'IGF [inspection générale des finances] qui va dans le sens des propos rassurants de la DGFIP a été cité par le ministre au banc, dans le cadre des débats sur le PLF 2022. Mais ce rapport n'a jamais été rendu public", souligne-t-elle.

Christelle Gaucher partage aussi l'inquiétude des élus sur le passage de témoin entre les services du ministère en charge de la Transition écologique et la DGFIP, cette dernière ne disposant pas aujourd'hui d'expertise en matière de liquidation de la taxe d'aménagement.

Elle se veut en revanche confiante sur la capacité des observatoires fiscaux locaux à apporter aux décideurs locaux et à l'administration fiscale des informations sur "les achèvements de travaux au sens fiscal". Selon la spécialiste de la fiscalité locale, le partenariat entre les collectivités et les services de la DGFIP sera l'une des clés de réussite de la réforme. Un chantier, qui, par ailleurs, devrait aboutir à une modernisation du "processus de gestion" de la taxe d'aménagement, affirme-t-elle. Les nouvelles applications numériques introduites à cette occasion devraient y contribuer.

Références : ordonnance n° 2022-883 du 14 juin 2022 relative au transfert à la direction générale des finances publiques de la gestion de la taxe d'aménagement et de la part logement de la redevance d'archéologie préventive ; rapport au président de la République relatif à cette ordonnance.

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