Le droit administratif des biens communs cela pourrait être quoi ?
A titre liminaire, il faudrait déjà établir la différence entre « service public » et « utilité publique ». C’est une subtilité qui est important où je considère que le service public est exogène à un intérêt. Vous avez une activité, l’administration va considérer de manière extérieure qu’elle est d’intérêt général. Par exemple, on va transformer une station-service qui est la seule dans un périmètre 50km en service public parce qu’il y a une carence de l’initiative privée et que l’on a besoin d’avoir une station-service à cet endroit pour tout le bassin d’emplois. On va donc créer un service public de « station-service ». Par ailleurs, du point de vue du service public administratif on va, par exemple, dans le domaine de la culture, homologuer des associations culturelles. L’idée est que j’oppose ce service public, exogène, à cette notion d’utilité publique qui est endogène. C’est parce que l’activité, l’usage de quelque chose est forcément mis en commun que l’administration est obligée d’intervenir. C’est parce que l’eau est vitale qu’on ne peut pas devenir propriétaire d’un fleuve. L’usage des choses va être tellement nécessaire que l’administration ne pourra pas l’ignorer. Un exemple d’utilité publique qui est récente, c’est le covoiturage et le développement des applications numériques. On a vu une professionnalisation se mettre en place comme Blablacar, le Législateur a dû reconnaître cette activité et aujourd’hui le covoiturage est organisé par l’autorité organisatrice de la mobilité, comme par exemple en Ile-de-France, c’est « Ile-de-France Mobilités ». Cela permet d’envisager la mise en place de couloir de circulation pour le covoiturage. On va donner un droit dérogatoire du droit classique de la route pour permettre à des gens qui remplissent une utilité publique de faire œuvre commune ; on partage un trajet, on fait œuvre de transport « en commun ».
L’utilité publique peut être aussi caractérisée dans le domaine du numérique ou Openstreetmap et sa Communauté d’usage est associée à l’élaboration de la base adresse nationale avec l'Etat, l'Institut national de l'information géographique et forestière et la Poste, en application de l’article R321-5 du code des relations entre le public et l’administration. La force d’action et la célérité de la Communauté d’usage sont d’une utilité publique pour la société, au point que l’Administration s’est associée avec elle pour développer une politique publique.
Comment envisager en terme juridique une collaboration entre les administrations publiques et l’initiative citoyenne dans la production de communs ; notamment dans le cadre des Tiers Lieux présents dans les collectivités locales ou dans le cas des conseils citoyens ?
J’ai été beaucoup inspiré par la Doctrine juridique et le droit italien et de leur tentative de codification des partenariats public-commun. En Italie à l’occasion d’une réforme constitutionnelle dans les années 2000[1] ils ont adopté le principe de subsidiarité horizontale qui permet à chaque niveau de collectivité territoriale de déléguer certaines missions de service public directement à des citoyens. A l’occasion de cette disposition constitutionnelle un laboratoire de recherche universitaire, à Bologne, le LABSUS, regroupant des juristes et des designers on développé “le règlement d’administration partagée” qui permet en fait d’appliquer ce principe de subsidiarité horizontale et accorde aux citoyens qui le souhaitent de conclure des pactes de collaboration avec l’administration pour gérer ce qu’ils vont appeler les biens communs. Par ailleurs, la commission Rodotà dans le contexte d’un grand mouvement d’opposition à la privatisation de l’eau potable a réfléchi à la notion de « bien commun ». Le code civil italien ne reconnaît que des biens publics ou des biens privés alors que le code français est plus souple, il reconnaît les cinq catégories de biens (les biens privés, les biens publics, les biens appropriables, les biens abandonnés et le biens communs). La commission Rodotà, réfléchissant à cette notion de bien commun, va avoir une définition innovante très différente de celle du code civil français qui n’a pas changé depuis 1804. On va définir que non seulement la chose commune par le fait qu’elle se partage mais également par le fait qu’elle est la condition naturelle à l’exercice de la liberté démocratique. A l’issu de cet examen, le Parlement italien n’est pas allé plus loin permettant que les biens communs participent de l’épanouissement des libertés fondamentales. Cependant les pactes de collaboration usités en Italie permettent une certaine forme d’émancipation du citoyen par un engagement collectif. Ce sont des Italiens qui ont, par exemple, vu se délabrer leur quartier et qui, face à l’incurie de la puissance publique, ont demandé les moyens pour le faire eux-mêmes et ont donc fait des pactes de collaboration pour se substituer à une forme de carence de l’initiative publique. C’est le pacte de collaboration qui permet de définir le cadre administratif.
J’ai tenté de transposer ce modèle théorique de règlement d’administration partagée dans le contexte de l’histoire du droit administratif français. La notion de collaboration en Italie correspond en France à la notion de « collaborateur occasionnel de service public. C’est un usager qui va être considéré momentanément comme “agent par accident”. Un usager de service public qui subit ou produit un accident va être considéré comme « agent » de l’administration et c’est donc l’administration qui le protègera, qui est responsable. Par exemple, les sauveteurs en mer : un citoyen qui porte secours à une personne en danger est temporairement un collaborateur du service public. Certaines collectivités ont déjà décidé de signer des conventions définissant la responsabilité de chacun permettant à certains acteurs de pouvoir collaborer au service public. L’idée est de développer cette notion de collaboration occasionnelle et de la codifier avec cette notion Italienne de « pacte de collaboration », qui pourrait se rapprocher en France des « pactes d’engagement », en particulier ceux prévus dans le cadre de la réserve communale de sécurité civile ou chez les pompiers volontaires. Bref, ce pacte est une coopération, un engagement bénévole à contribuer aux communs.
Dans ce pacte d’engagement je transforme l’usager en “contributeur” actif. Il va participer à la réalisation d’une mission d’utilité publique définie avec l’administration. Dans le cadre de ce pacte, afin que cela corresponde avec la notion D’Elinor Ostrom dans son triptyque « communauté – ressource – gouvernance », il faut que le contributeur puisse participer à minima aux règles de consultation sur la réglementation. “Quand je contribue, j’ai un droit à donner mon avis sur la réglementation qui m’est applicable”. Ceci est contraire avec le droit général applicables aux usagers du service public qui sont soumis à la règle. Là, non seulement le pacte invite l’usager, devenant contributeur, à définir les propres règles qui lui sont applicables mais aussi à participer à ce que j’ai appelé un « conseil consultatif des communs », une assemblée qui va pouvoir donner son avis sur la réglementation générale applicable au commun ; ce qui permet de faire communauté d’usage. On va utiliser tous les arguments juridiques à notre disposition pour créer un conseil consultatif mais aussi les dispositions du code des relations entre le public et l’administration, qui permet de faire naître une décision d’acceptation ou de rejet. L’idée est de forcer l’administration à considérer les propositions du conseil consultatif comme des demandes officielles émanant d’un usager. Si, au bout d’un certain temps (environ deux mois), l’administration n’a pas répondu, la demande est soit acceptée, soit rejetée tacitement. L’idée est que durant ces deux mois, l’administration va échanger avec les contributeurs pour définir les règles et la décision explicite pourra faire l’objet d’un recours contentieux devant le tribunal administratif. Si les contributeurs et l’administration ne sont pas parvenus a un accord cela pourra être soumis à un juge administratif.
Les conseils citoyens sont tenus par la loi d’avoir une forme indépendante de celle de la collectivité locale ; souvent ils vont avoir la forme associative. Ces conseils citoyens ont des droits, notamment le droit d’association et en cas de refus de l’administration, le Rapport Borloo avait même envisagé qu’ils puissent saisir une juridiction budgétaire spéciale en charge de l’équité territoriale. On peut compléter par un exemple qui existe dans le droit positif, c’est l’exemple de la commune de Roubaix qui dans le cadre de projet d’initiative citoyen (PIC) qui permet d’allouer une subvention de démarrage pour une activité particulière après avis d’un jury composés de membres ayant déjà lauréats de ce projet. On peut s’inspirer de cet exemple de PIC en permettant que des citoyens dans le cadre d’une mise en commun d’un espace par exemple, reçoivent une subvention d’amorçage pour participer à la mise en commun de cet espace.
Tous ces exemples s’inscrivent dans le cadre d’une relation directe entres des citoyens et l’administration. A un autre niveau il y a aussi des relations entre une personne morale, comme le modèle associatif, représentant ce collectif de citoyens et l’administration. Par conséquent, le risque juridique sera transféré de la collectivité vers l’association et donc le mode de conventionnement passera, le cas échéant par le marché public, la concession éventuellement, l’occupation domaniale ou encore la subvention. Pour l’occupation domaniale, si l’occupation à caractère économique doit être donnée après une procédure de sélection préalable, on pourrait imaginer, dans le cadre d’une occupation non économique, comme des friches culturelles, de procéder à une sélection non pas “économiquement” mais “communément” la plus avantageuse, c’est-à-dire sélectionner le projet le plus synergique. Au lieu de sélectionner le titulaire d’un droit exclusif, où j’octroie un monopole à un seul opérateur (principe de la commande publique) ; on pourrait inverser le raisonnement en disant que celui qui va regrouper toute une communauté d’usage dans un projet commun, celui qui sera capable de fédérer, de faire commun emportera l’occupation domaniale. Dans ce cadre j’oppose l’idée d’offre « économiquement la plus avantageuse » avec celle d’offre « communément la plus avantageuse » ; « communément » comme relevant des Communs. Si je veux permettre l’occupation d’une friche culturelle, plutôt que de produire de la concurrence, j’encourage de la coopération. Il y a des exemples qui se rapprochent de cette démarche comme « la charte parisienne de l’occupation transitoire » qui a été adoptée à la suite de la réussite de Grands Voisins à Paris. Il y a aussi Coco Velten qui va dans le même sens à Marseille ou l’hôtel Pasteur à Rennes ou même Communa en Belgique. On peut donc imaginer des « appels à communs » invitant des citoyens, des collectifs autour d’une personne morale à gérer un lieu, un espace intermédiaire ou un Tiers-Lieu dans ce cadre-là. Dans le cadre d’un contrat pour une activité économique, comme un marché public où le critère économique est incontournable dans le choix du candidat ; on pourrait imaginer y ajouter l’idée d’un critère inclusif, comme une clause sociale et environnementale.
Comment garantir les communs et les protéger ? L’expérience des Makers durant la crise sanitaire a produit des questionnements autour des Communs matériels et du rapport entre les initiatives des Fablabs et l’administration publique
Pour protéger les communs, il faut déjà voir les conditions de leur naissance. Au départ il y a cette fameuse carence de l’initiative publique, l’administration devait intervenir et n’a pas été en mesure de le faire. Des citoyens se sont sentis capables de suppléer à ce déficit et l’administration les a autorisés à intervenir. Les opérateurs marchands et publics n’étaient pas capables de s’aligner et donc des communautés, des makers se sont mis en place. Les makers ont mis en place un véritable bureau d’études décentralisé pour fabriquer, masques, visières, respirateurs pour les hôpitaux. Les makers étaient en capacité par leurs compétences, par leurs réseaux, par leur forme d’organisation en commun de pouvoir satisfaire ce besoin public. Cela a posé des problèmes qui étaient gérables du fait de l’urgence. Plus l’urgence était caractérisée, plus les problématiques juridiques s’effaçaient jusqu’à ce que la réorganisation administrative et marchande soient capables de présenter une offre. Les makers, les couturières n’étaient pas capables de s’aligner sur une offre marchande et ce n’était pas leur vocation ; le commun cultive l’abondance et le marché donne un prix à la rareté. Mais là c’est au-delà de la rareté, c’est une histoire de pénurie qui a forcé un comportement d’auto-préservation, elle a forcé des opérateurs à prendre soin de leurs ressources, “d'économiser » ; elle a forcé à cultiver la rareté pour qu’elle devienne abondante. Paradoxalement le marché donne un prix a ce qui est rare mais n’est pas dans une situation de pénurie. On pourrait imaginer un système où l’on a un bien qui est abondant qui doit être préservé par le commun, puis il est moins abondant et doit être géré par le marché, et il devient tellement rare qu’on est en pénurie et nécessite de revenir à une notion de commun pour recultiver son abondance. C’est pour prévenir sa disparition qu’on est obligé d’avoir un comportement différent de celui du marché.
Il n’y a pas de commun sans communauté et la communauté ne peut pas exister sans son autonomie dans le sens où elle définit sa propre règle. La commune dans l’administration française vient directement des biens communaux et que par conséquent en tant qu’administration, l’étymologie renvoie à ce qui est partagé et échangé par la communauté ; la communauté primaire qui était la paroisse au moment de la révolution. L’autonomie, c’est-à-dire être capable de définir ses propres règles était nécessaire parce que justement il n’y avait pas de règles. Il y avait défaillance de l’opérateur privé marchand et défaillance de l’opérateur public et il fallait nécessairement intervenir et donc c’est l’organisation la plus autonome qui a réussi à s’imposer. Le commun est une bulle qui se veut protectrice des perturbations extérieures. Par conséquent étant protégé dans sa bulle, si le monde extérieur s’effondre, le monde intérieur des communs continue à exister. La puissance de réaction des makers, la capacité, celle d’auto-capacitation et de coopétition entre les makers face à la nécessité de s’auto-organiser pour développer une solution nécessairement d’utilité publique a abouti à la réalisation d’œuvres avec comme exemple le « Tiers-Lieu » de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) ( à préciser et mettre lien en référence ) qui a fermé quand l’AFNOR a défini ses règles sur les équipements de protection individuels en définissant les nouvelles normes et qui a exclu automatiquement tout « bricolage » et le travail des makers. Justement, il n’y pas de commun sans risque de dépossession du droit d’usage ou de clôture , ce que l’on va appeler les « enclosures ». On empêche le renouvellement du commun et on dépossède les communeurs de leur droit d’usage. Les makers avaient un droit d’accès avec l’administration et là on leur retire en leur appliquant un « péage », un droit d’accès et ce péage sera le respect de la norme AFNOR.
D’un point de vue sanitaire il était évident que la carence de l’initiative publique soit résolue de manière rapide. Une question centrale était de savoir quel était le modèle économique des makers, ce qui n’était pas défini. Certains étaient sur la gratuité, d’autres sur le prix coûtant, certains ont reçu des financements des collectivités. Ça a abouti à une lecture économiste au sens libéral du terme autour de l’idée de la position dominante ou concurrence déloyale. Imaginer un modèle conceptuel non soumis à un droit de propriété qui n’est pas une propriété publique. Toute forme d’alternative au droit de propriété qui n’est pas soumise totalement au droit public, au bien public n’est pas compréhensible pour l’administration.
Les Tiers Lieux sont des acteurs de l’économie circulaire et sont des fabriques de territoire. Dans ce cadre, comment envisager une collaboration et un régime juridique viable entre les administrations territoriales et les Tiers lieux produisant des Communs dans l’espace public ; en d’autres termes , un Tiers Lieux ou un collectif citoyen qui intervient par exemple dans l’espace urbain peut-il rendre pérenne et juridiquement valable les communs qu’il produit
Dans un partenariat public-commun il faut poser la question du risque juridique. Quel est le risque juridique ? Qu’est-ce qui est mis en commun ? Qui porte le risque ? Dans le cadre du modèle de règlement de l’administration mise en commun dont on a parlé, soit le risque est porté par l’administration et donc on a cette notion du collaborateur du service public qui va s’appliquer, soit on va obliger une communauté d’usages à s’instituer et à porter le risque. Par exemple, si l’on veut créer un jardin partagé ouvert, c’est soit sous la responsabilité de l’administration et ce sont les agents communaux qui vont contrôler, soit on va « privatiser » l’espace et permettre à une seule association qui va devoir gérer l’ensemble des contributeurs de l’espace à occuper et à porter le risque du jardin partagé. La tendance à la sécurité juridique pousse à la forme associative. La difficulté c’est que certains communs se veulent ouverts et aisément accessibles. Dès lors cela risque de poser des problèmes pour l’administration de laisser la responsabilité entière à l’association. Pour exemple, celui de la « boîte à livres ». Le Lyon’s club propose de mettre des boîtes à livres partout en France. La commune est satisfaite, elle a une boite à livres financée par cette association. Elle va signer une convention d’occupation avec cette association. L’association va devoir mettre en place une charte. On va par exemple mettre cette boite a livres devant une école. Cette boîte peut devenir un dépôt pour de la drogue ou des ouvrages pornographiques. Le partage de la responsabilité, s’il est formellement écrit dans la convention d’occupation domaniale, cela devra nécessairement impliquer l’administration. C’est plus facile de déléguer une terrasse publique qui relève du droit privé, sur le domaine public que de déléguer une boîte à livre ou un réfrigérateur partagé. Il faut une démarche « partenariale » entre la communauté d’usages et l’administration pour en plus des responsabilités, définir les conditions de réalisation de la chose concernée. Cette problématique c’est aussi celle des « incroyables comestibles » qui est une organisation mondiale sont-ils des communs ? En France, ils sont nécessairement « repris en main » par l’administration à travers les permis de végétaliser. Le permis de végétaliser en France, c’est une privatisation de l’espace public au bénéfice d’un seul citoyen alors que l’esprit des incroyable comestibles se veut partageur et accessible. Parce qu’il était obligatoire que l’administration intervienne, la transposition des incroyables comestibles en terme juridique a abouti à une privatisation première de l’espace.
Pour que cela devienne un esprit de partage, de communs, il faut que l’administration fasse un effort supplémentaire pour forcer tous les titulaires du permis de végétaliser à se réunir périodiquement pour échanger sur les pratiques et sur les règles de leur permis. Pour que ce soit considéré comme un commun il faudrait que chacun des titulaires se rencontrent et s’échangent. Il faudrait faire communauté. Il faudrait qu’il y est un lien, un liant et l’administration doit être ce liant. J’imagine une négociation partenariale pour faire commun, que l’administration devrait accepter. Il faudrait dans les collectivités constituer des comités consultatifs autour des communs. Les conseils municipaux pourraient créer des commissions extra-communales qui sont consultatives. Les conseils de quartiers pourraient aussi s’organiser sous cette forme ainsi que les conseils citoyens. On peut imaginer un conseil citoyen propriétaire d’un jardin mais qui l’ouvre à l’ensemble du quartier où l’on est soumis au droit de propriété privée. Le conseil citoyen en porte ici le risque tout en faisant œuvre d’utilité publique. Le Tiers Lieu peut évidemment entreprendre cette démarche à condition de savoir si juridiquement parlant il remplit une mission de service public ou pas. Est-ce qu’un tiers-lieu peut être à la fois privé et public, dans son mode de gouvernance comme le statut des SCIC ? Un tiers lieu peut aussi prendre la forme associative ou être totalement gérée par l’administration soit en régie soit sous la forme d’un établissement public. Si les statuts d’établissement public peuvent être restreints et contraignants à l’égard de la communauté d’usage, ce statut oblige à ce qu’il y est une majorité des conseils municipaux au regard des usagers. Cependant, cette restriction légale et réglementaire permet des domaines d’ouvertures beaucoup plus important parce que c’est un établissement public, donc il déroge de droit au droit commun. L’association c’est l’inverse, elle est soumise au droit privé, elle est contenue dans ce « régime de propriété privée » mais dans son mode d’organisation elle est beaucoup plus libre. Elle peut s’organiser en gouvernance horizontale, en tirage au sort ou encore avec un bureau collégial, donc beaucoup plus libre mais demeure soumise à un régime de droit privé, donc un modèle propriétaire.
Pour un exemple concret, une collectivité qui produit un mobilier urbain open source pourrait-il être repris dans une autre collectivité et donc un système d’échange d’objets « en commun » entre collectivités ?
Oui on peut tout à fait l’imaginer. Le problème c’est que le secteur économique du mobilier urbain peut considérer cette démarche comme une activité déloyale ou une activité contraire aux règles de la concurrence. Mais cela peut être régularisé parce que le principe de la commande publique n’oublie pas le principe du service public qui dit que les collectivités sur la voirie ont des dépenses obligatoires. Pour l’entretien des voiries, ou pour la collecte des ordures ménagères, l’appel à bénévolat citoyen peut être une forme d’action des dépenses obligatoires des administrations communales. On peut imaginer que si c’est l’administration qui porte le risque en régie on n’est pas obligé d’être soumis aux règles de la concurrence ; parce que le risque est porté par l’administration. Ce sont des collaborateurs occasionnels du service public qui agiront et seront donc protégés par l’administration.
De manière plus globale quels seraient les dispositifs juridiques à mettre en place pour que les communs d’un jour deviennent des communs institués et portés par des procédures légales inscrites dans la loi ?
Il existe des communs administratifs définis par la loi. Il y a 10 ans, on a créé la communauté professionnelle territoriale de santé. Ce sont l’ensemble des acteurs médicaux et paramédicaux qui se réunissent pour faire une communauté et un projet de territoire validée par l’Agence Régionale de Santé. Un projet de territoire qui permet de mettre en commun des protocoles du suivi du patient. On met en commun le suivi de patient. Pourquoi la communauté professionnelle de santé a été mise en place et pas un modèle marchand, c’est qu’en matière de santé, le modèle économique marchand est exclu de fait et de droit. Il fallait donc innover pour les législateurs et il est donc revenu à un modèle coopératif et pas un modèle concurrentiel ; les opérateurs coopérant entre eux.
Le commun est ici venu naturellement. Il existe aussi des communs en droit français depuis très longtemps, par exemple la section de commune qui est définie par l’article L2411-1 du code général des collectivités territoriales datant d’une loi révolutionnaire de 1792. Le Législateur ne part pas sans rien, on a déjà un historique juridique positif ; on a des lois éparses qui existent. J’essaye d’extraire cet inventaire encyclopédique juridique des communs administratifs
Alors que faudrait-il faire concrètement ? Il y a d’abord les conseils citoyens qu’on pourrait éventuellement transformer en prototypes, en “sections de communes urbaines” avec des capacités proactives pour devenir une chambre des Communs locale.Concernant la proposition de loi actuelle sur les Communs , elle vise essentiellement à protéger les communs environnementaux. Au niveau constitutionnel, il existe des limites que l’on pourrait qualifiées de “planétaires” que le marché est tenu de respecter. A l’heure actuelle la question, si l’on parle de méthodologie juridique à mettre en place, est de savoir si la communauté d’usage se veut représentative ou instituante. C’est le nœud du problème parlementaire. A l’heure actuelle on a des problématiques comme le Parlement de Loire qui se met en place ou le code de l’environnement des Îles Loyauté qui permettent à la Province des Iles Loyauté en Nouvelle Calédonie de mettre en place une personne morale qui représente la nature. Cette personne morale disposerait bien évidemment d’un droit de justice et elle serait forcément consultée lorsqu’il y a un projet qui porterait atteinte à l’environnement. Par exemple le Parlement de Loire se veut une instance représentative de l’écosystème Loire plutôt qu’être un commun instituant. Un autre exemple de commun représentatif, c’était l’idée contenue dans le projet de loi république numérique, rejetée par les parlementaires d’introduire la notion de “domaine commun informationnel”; qui avait été promue pourtant par les acteurs à la suite d’une consultation numérique. C’était une sorte de domaine public protégé permettant à des associations agréées de pouvoir poursuivre en justice toute forme d’appropriation privative d’un brevet ou d’un droit d’auteur tombé dans le domaine public. L’association reconnue par l’Etat était représentative de la défense de l’intérêt du domaine commun informationnel. L’association n’est pas en charge de l’administration du domaine commun informationnel, elle n’est que porte-parole, représentative d’un intérêt propice aux Communs. En bref, ce que j’appelle le « commun de représentation » c’est par exemple une association partenaire de l’administration lors de la législation. Je fais une réforme, je demande à l’association reconnue d’utilité publique pour défendre l’intérêt du Commun à me donner son avis.
Au contraire, le « commun d’institution », c’est un commun institué, commun administratif pur. C’est une personne morale qui incarne un commun, qui administre le bien commun, qui est en charge de sa préservation. C’est par exemple l’établissement français du sang, ce sont les haras nationaux qui sont des administrations qui vont gérer le bien commun des races équines parce que la personne privée ne peut pas le faire. Il faut que l’administration préserve cette ressource pour garantir l’égal accès à tout le monde. Il s’agit de garantir que tout le monde dispose de « l’abondance ». Dans le cadre du statut d’établissement public (qui est composé de représentants des autorités de tutelle, de représentants des usagers et de représentants des personnels) il y a une forme de communauté qui gère les choses.
La dernière forme intéressante qui a été mise en place c’est l’éco-organisme . C’est une association qui répond à un cahier des charges et qui est reconnu d’utilité publique.La meilleure manière de mettre en place des « communs d'institution » c’est d’utiliser la notion d’association reconnue d’utilité publique mais cette fois-ci pas pour représenter un commun ou un intérêt de commun mais pour être agréée par l’Etat pour préserver la ressource commune. Quand je dis “agréée par l’Etat”, cela veut dire qu’il y a un cahier des charges qui force à la coopération, à l’absence de concurrence, et qui a un contrôle administratif derrière. C’est l’exemple de l’éco-organisme qui a un lien dans son principe avec l’assurance maladie. En effet, on a créé une sorte de caisse de sécurité sociale en matière de déchets. Au regard de l’objet, l’abondance de déchets les opérateurs sont naturellement poussés à coopérer, à se fédérer en éco-organisme. On peut imaginer un système de reconnaissance d’associations d’utilité publique par l’Etat à travers un agrément qui octroie un privilège, un droit de gérer directement une ressource commune. Cette théorie d’administration des biens communs mériterait un travail plus abouti, elle réinterroge le droit du service public à la française mais c’est aussi une façon de réinterpréter le droit à la démocratie participative pour permettre de revivifier le pacte Républicain entre les citoyens et son administration.
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