Avec le coup d'envoi de la saison 2012-2013 en Ligue 1 et Ligue 2 cet été, la licence-club est entrée en vigueur. Le football est ainsi le premier sport à se doter d'un outil de notation de ces sociétés commerciales que sont les clubs professionnels, mais aussi d'un outil d'incitation financière. Car en attribuant des points aux clubs selon des critères précis, la Ligue de football professionnel (LFP) octroie ou non une part des importants droits audiovisuels auxquels les clubs peuvent prétendre.
Les critères pour obtenir la licence relèvent de cinq catégories : les infrastructures du stade destinées aux joueurs et aux spectateurs ; les infrastructures du stade destinées aux médias ; la sécurité ; le centre de formation ; la structuration salariée. Le total maximum de points est de 10.000. Avec un bilan de 5.000 points au minimum, un club obtient le précieux sésame. S'il est recalé, ce sont 10% des droits audiovisuels en Ligue 1 et 20% de ces mêmes droits en Ligue 2 qui lui échappent. Pour la saison qui démarre, seuls les clubs du Gazélec d'Ajaccio et des Chamois niortais ont été recalés. Soit une perte sèche de 800.000 à 900.000 euros. Un abîme pour ces petits poucets qui vivent avec des budgets d'environ 5 à 6 millions d'euros par saison.
Toutefois, pour Philippe Diallo, directeur général de l'Union des clubs professionnels de football (UCPF), à l'origine de la licence-club, celle-ci "n'obéit pas à une volonté répressive. Elle cherche à aider les clubs à progresser dans leurs investissements. Pour jouer au football au niveau professionnel, cela implique un certain nombre de critères qui relèvent des infrastructures, du personnel, de la formation".
Un système "pernicieux"
Pour les collectivités locales, l'enjeu est ailleurs : avec 38 des 40 enceintes de Ligue 1 et Ligue 2 qui sont des propriétés publiques, elles ne peuvent rester insensibles aux conséquences que les exigences de la licence-club font peser sur elles. "On va mettre la pression sur les collectivités par le biais des clubs, estime Jean-Jacques Place, adjoint au maire de Tours chargé des sports et responsable de la commission grandes villes de l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport). On imagine un club aller voir sa collectivité et lui dire : 'Vous vous rendez compte, si le stade n'a pas telle capacité, tel éclairage...' Cela donne une contrainte à la collectivité. Les critères de la licence-club ne sont pas anodins financièrement."
L'élu juge ainsi ce nouveau système "pernicieux" car il cherche à "contourner le système", et notamment l'avis du 20 novembre 2003 du Conseil d'Etat qui stipule que "les exigences dictées exclusivement par des impératifs d'ordre commercial comme celles qui touchent à la contenance minimale des espaces affectés à l'accueil du public pour chaque type de compétition ou la détermination de dispositifs électriques et d'installations ayant pour seul objet de favoriser la retransmission télévisée ou radiophonique des compétitions, excédent le champ des compétences des fédérations titulaires d'une délégation au titre de l'article 17 de la loi. En ces domaines, elles ne peuvent intervenir que par voie de recommandations dépourvues de caractère obligatoire".
De la recommandation à la sanction
Si en effet la licence-club n'est qu'une simple recommandation - en ce qu'elle ne remet pas en cause la participation d'un club à un championnat professionnel -, le fait de l'assortir de sanctions financières est-il en revanche répréhensible ? Pas pour la cour administrative d'appel de Marseille qui, dans un arrêt du 4 novembre 2010, considère, d'une part, "qu'il résulte des dispositions (…] de l’article 18-1 de la loi du 16 juillet 1984 que la Ligue de football professionnel avait la possibilité d’arrêter des critères pour la redistribution des produits audiovisuels aux sociétés qui n’étaient pas limités à la solidarité entre les sociétés, à leurs performances sportives, ou à leur notoriété" et, d'autre part, que "les dispositions de l’article 107 du règlement administratif de la Ligue de football professionnel, en permettant de récompenser les clubs qui s’efforçaient d’améliorer leur équipement sportif et de pénaliser les clubs dont les installations en termes de capacité d’accueil et d’éclairage empêchaient ou rendaient plus difficiles les retransmissions audiovisuelles des compétitions, n’ont ainsi pas excédé les compétences dévolues à la LFP".
En d'autres termes, si une fédération ou une ligue professionnelle ne peut imposer des aménagements à visée commerciale, la répartition des droits audiovisuels selon la réalisation ou non de ces aménagements est possible. C'est dans cette brèche que la LFP s'est engouffrée pour établir sa licence-club. C'est sans doute de ce même argument qu'usera la Ligue nationale de rugby pour mettre prochainement en œuvre son "label stade".
Qui pour financer les stades ?
Reste le débat de fond : les collectivités doivent-elles payer pour les outils de travail du sport-spectacle que sont les stades ? "On peut imaginer que les clubs français, qui manquent d'actifs, auraient tout intérêt à disposer de leur outil de travail quotidien qui peut assurer un relais de croissance indispensable, plaide Philippe Diallo. Mais comment opérer un transfert de propriété entre la collectivité et le club ? Etant donné que la plupart des clubs aujourd'hui sont dépourvus d'actifs, ils ont du mal à lever des fonds. Se pose donc la question d'un transfert à titre gracieux aux clubs. Autrement, je ne vois pas très bien comment ils pourraient acquérir un stade."
Jean-Jacques Place voit les choses d'un autre œil. Selon lui, la bonne position est celle de l'Olympique lyonnais, qui s'est engagé dans la construction de son propre stade et "assume d'être une société et de mettre en place un système économique correspondant non plus à un sport mais à un spectacle". "Cela peut être accompagné par la collectivité comme serait accompagnée une implantation commerciale", précise l'élu, qui ajoute une autre piste : "A Tours, quand le club est monté en L2, il y avait des besoins et certains d'entre eux ont été financés par le club. Est-ce que le financement ne doit pas être un financement croisé, que tout ne soit pas supporté par les collectivités ?"
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