La revitalisation des petites villes rurales : un difice fragile

June 2024 · 5 minute read


Les petites villes constituent le cœur battant de la ruralité. Pour preuve, 52% des 1.600 communes éligibles au programme Petites Villes de demain (PVD), comptent moins de 3.500 habitants. C'est ce qu'a indiqué Emmanuelle Le Bris, directrice adjointe de ce programme de revitalisation lancé en 2020, au sein de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Elle intervenait lors du vingt-quatrième "Café de campagne", organisé par InSite, une association créée en 2018 par Thibault Renaudin, maire du village de Termes-d’Armagnac (Gers), pour "donner une nouvelle ambition au monde rural et réhabiliter la possibilité d'un avenir désirable à la campagne". "Nos centres-bourgs ont une responsabilité autour de leur territoire, auprès des villages", a-t-il martelé en introduction de ce webinaire consacré aux "petites villes rurales". Car ces dernières surfent aujourd'hui sur la vague de l'après-Covid. Elles connaissent un "regain d'attractivité", "la crise sanitaire a pas mal rebattu les cartes, elle a permis de prendre conscience de l'importance de la qualité de vie, de l'environnement, du logement…", a assuré Emmanuelle Le Bris. Ce que montrent plusieurs enquêtes, dont le récent baromètre Ipsos des petites villes effectué auprès des jeunes. 69% des 16-30 seraient prêts à y vivre (voir notre article du 2 février 2023). Ces enquêtes donnent des perspectives de déménagement. "Encore faut-il pouvoir passer à l'action", tempère Emmanuelle Le Bris. Le programme PVD vient ainsi consolider ces tendances. Il contribue à "améliorer la qualité de vie ces territoires et des communes alentours", grâce à une "approche sur mesure" qui se place "sur le temps long, la durée du mandat municipal", a-t-elle rappelé. Aujourd'hui, environ 400 villes du programme ont signé leur convention cadre et entre donc dans la phase opérationnelle. Déjà à l'actif du programme : 30.000 logements rénovés par l'Anah, 600 Opah, des maisons France services et des Microfolies inaugurés régulièrement… "Beaucoup de choses."

Parmi les lauréats, la communauté de communes Pré Bocage Intercom (Calvados), qui a la particularité d'avoir présenté un projet unique autour de trois communes : Caumont-sur-Aure, Aunay-sur-Audon et Villers-Bocage. Tout cela se fait en "coconstruction avec les habitants", grâce notamment au soutien de chercheurs du Popsu, a assuré Mathilde Louis, chargée de mission PVD au sein de cette intercommunalité. Le territoire cherche à relever deux défis : "le vieillissement de la population et le fait que nos villes sont très minérales" en raison de leur reconstruction après-guerre. Le projet porte ainsi une attention particulière à la transition écologique (désimperméabilisation des sols, végétalisation…), mais aussi à la lutte contre la vacance commerciale, au maintien des familles, à la jeunesse…

"La population continue de diminuer un peu"

Si les petites villes rurales ont le vent en poupe, tout n'est pas gagné pour autant. Car souvent le solde démographique de la population reste défavorable. Exemple de Plaisance dans le Gers. "Malgré les nouveaux arrivants, nous avons une population âgée, avec 50% de plus de 60 ans. Les néo-Plaisantins apportent du sang neuf, une nouvelle énergie pour autant, la population continue de diminuer un peu", a témoigné le maire de ce chef-lieu de canton de 1.500 habitants, Patrick Fitan. Lui redoute en particulier deux problèmes : celui du vieillissement mais aussi les déserts médicaux. D'ailleurs, une étude de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) publiée vendredi 21 avril montre que les écarts d'espérance de vie entre ruraux et urbains s'aggravent depuis trente ans. L'écart d'espérance de vie chez les hommes serait de 2,2 ans. Dans cette étude (qui est une réactualisation d'une précédente étude de 2020), le géographe Emmanuel Vigneron décompte ainsi "14.216 décès par an en plus dans les zones rurales que ce qui serait attendu si l'espérance de vie y était identique à celle des villes".

Le département du Gers essaie de s'adapter en recrutant des médecins salariés. Plaisance est la troisième ville du département à en bénéficier. Depuis septembre, un médecin salarié partage ainsi les mêmes locaux qu'un médecin libéral. "C'est cette entente qui a permis au médecin libéral de rester, un équilibre a été trouvé", s'est réjoui Patrick Fitan, annonçant que dans quinze jours sa communes inaugurera un nouveau centre de santé. "On est sauvés." Mais "il ne faut surtout pas redémarrer de zéro", a-t-il prévenu. C'est-à-dire attendre le départ du dernier médecin pour réagir. Car dans ce cas, il est déjà trop tard. "Il faut qu'il y ait un accompagnement des corps soignants, j'inclus la pharmacie, le kinésithérapeute, le dentiste… Avoir un cadre de vie et des soignants, c'est très important", a insisté l'élu.

"C'est tout un environnement qui compte"

La présence de médecins est souvent ce qui conditionne le choix d'installation des familles. Mais pas seulement. La commune veut ouvrir une crèche et a entrepris, avec le département, la rénovation de sa caserne de pompiers. Elle a profité de son 700e anniversaire pour organiser un grand événement étalé sur sept mois…. Patrick Fitan en est convaincu : "C'est tout un environnement qui compte, la scolarisation - crèche, école, collège -, les équipements sportifs, le centre de loisirs…"

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Aujourd'hui, le programme PVD permet de lutter contre la vacance de logements et la vacance commerciale et de traiter les questions de mobilité (la commune est traversée par un seul pont emprunté par les poids lourds, ce qui crée des congestions). L'édile voudrait aussi muscler l'action économique mais est conscient des limites, la commune se trouvant à une heure des agglomérations de Tarbes, Pau et Auch. Il lui a fallu six mois pour remplacer sa directrice générale des services partie à la retraite. Un délai "atroce".

La communauté de communes Armagnac Adour, dont Thibault Renaudin est vice-président, a elle aussi embauché trois médecins, avec la promesse d'une certaine qualité de travail : horaires fixes et un maximum de trois consultations par heure. "Nous, collectivités territoriales, il nous faut penser une politique publique de santé bien particulière au services habitants", a-t-il plaidé. Il faut un "cadre global". Reste que "tout cela est très fragile", a reconnu Patrick Fitan. "Combien de temps cela va durer ?"

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