Trois ans après la parution de la loi Antigaspillage pour une économie circulaire (Agec), le gouvernement a dressé ce 10 février un bilan de son application, vantant un texte qui a "considérablement accéléré le changement de notre modèle de production et de consommation". "Elle apporte des réponses aux attentes des Français en matière d'écologie à travers des mesures de la vie quotidienne, grâce à une écologie du concret préservant les ressources et le pouvoir d'achat", a souligné le ministère de la Transition écologique dans un communiqué.
Sortie progressive du plastique jetable
Aujourd'hui, près de 95% des décrets pris dans le cadre de cette loi de 130 articles sont entrés en application. Parmi les mesures déjà à l'œuvre, un certain nombre cible les objets en plastique. À ce jour, plusieurs produits en plastique à usage unique ont déjà été interdits : les assiettes, les pailles, les gobelets, les couverts, les cotons-tiges, ou encore les boîtes en polystyrène expansé (type boîtes à sandwich). Pour aller plus loin, la loi prévoit la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040.
La vaisselle jetable est, elle, interdite depuis le 1er janvier 2023 dans les établissements de restauration pour les repas consommés sur place. Ceux-ci doivent désormais être servis dans de la vaisselle lavable et réutilisable et les restaurants qui ne se sont pas encore mis en conformité avec la loi doivent mettre en œuvre des actions correctives - 25 acteurs du secteur ont déjà envoyé leurs plans d’action pour se mettre en conformité, indique le ministère. "Grâce à cette mesure, ce sont près de 200.000 tonnes de déchets qui seront évitées chaque année, soit l’équivalent de 20 tours Eiffel, ou encore 20 milliards d’articles de vaisselle jetable en moins", estime-t-il.
Depuis le 1er janvier 2022, certains fruits et légumes comme les bananes, les pommes, les poires ou encore les poivrons, ne doivent plus être emballés dans du plastique "La mesure permet de supprimer plus d’un milliard d’emballages en plastique inutiles chaque année", souligne-t-il. Après l'annulation d'un premier texte d'application par le Conseil d'État, un nouveau décret sur le plastique des fruits et légumes sera adopté fin mars 2023, prévoit le ministère.
Généralisation du tri des emballages plastiques via le bac jaune
Plusieurs mesures visent aussi à améliorer l'information du consommateur pour l'inciter à mieux trier et à se tourner vers des produits plus durables. L’info-tri, une nouvelle signalétique apposée à côté du logo Triman pour préciser les solutions de tri des déchets et de produits usagers (bac de tri, déchèterie, point de collecte, magasin…) se déploie progressivement depuis l'été 2022 sur une grande quantité d'objets du quotidien. 100 milliards de produits et emballages vendus chaque année seront équipé de cette info-tri. La collecte des emballages plastiques dans le bac jaune se généralise également. Alors que le taux de tri par habitant était de 50% au 1er janvier 2021, depuis le 1er janvier 2023, 95% des habitants peuvent trier les emballages plastiques dans le bac jaune afin qu’ils soient ensuite recyclés. "Chaque année, nous consommons 1,2 million de tonnes d’emballages plastique qui pourront ainsi être collectés par le bac jaune pour être recyclés ou pour développer de nouvelles filières de recyclage", souligne le ministère.
Indice de réparabilité
L’indice de réparabilité, en vigueur depuis le 1er janvier 2021, est affiché aujourd’hui sur neuf appareils électriques et électroniques du quotidien : smartphones, ordinateurs portables, téléviseurs, tondeuses à gazon, lave-linges, hublot, aspirateurs, lave-vaisselles, lave-linge "top" et nettoyeurs à haute pression. Il informe le consommateur sur le niveau de facilité à réparer les appareils avec l’affichage d’une note sur 10, permettant ainsi de privilégier les produits qui pourront durer plus longtemps.
Selon une étude de l’Ademe menée en 2021, plus de 8 Français sur 10 ont déclaré qu’ils prendraient en compte l’indice de réparabilité lors de leurs futurs achats. Afin de fournir au consommateur une information plus complète et transparente, les fabricants ont l'obligation, depuis le 1er janvier 2023, de mettre en ligne plusieurs informations sur les caractéristiques environnementales de leurs produits. Il s’agit notamment du taux de matière recyclée, de la recyclabilité, de la présence de métaux précieux et de terres rares, de la présence de substances dangereuses, et pour les textiles, de la traçabilité géographique détaillée des différentes étapes de fabrication et de la présence de microfibres plastiques.
Don ou recyclage des invendus non alimentaires
Pour réduire le gaspillage, la loi interdit aussi, depuis le 1er janvier 2022, d'éliminer les invendus non alimentaires qui pouvaient auparavant être détruits par les fabricants ou les distributeurs. "Il était estimé que ce gaspillage était équivalent à 630 millions d’euros de produits", rappelle le ministère. Pour les textiles par exemple, c’était 10.000 à 20.000 tonnes qui étaient ainsi détruites chaque année. Désormais, ces invendus doivent être donnés ou recyclés.
Plusieurs dispositifs ont en outre été mis en place afin de donner une deuxième vie aux produits et repenser leur conception. C'est le cas du "bonus réparation" pour les appareils électriques et électroniques. Depuis le 15 décembre dernier, les consommateurs peuvent se rendre dans les points de réparation labellisés afin de bénéficier d’une réduction forfaitaire du prix de la réparation. "L’objectif de ce bonus est de simplifier la réparation et de la rendre accessible à tous les Français pour allonger la durée de vie des produits, souligne le ministère selon lequel, avant la loi Agec, "40% des pannes des produits électriques et électroniques donnaient lieu à une réparation en France." En 2023, ce bonus réparation sera progressivement étendu à d’autres produits du quotidien : les articles de sport, les articles de bricolage et de jardin, les vêtements textiles, les chaussures, et les meubles. "D’ici quelques années, ce seront 250 millions d’euros de bonus réparation qui seront ainsi versés aux consommateurs qui font réparer leurs produits", estime le ministère.
Autre mesure effective : la mise en place de la reprise en magasin de plusieurs objets du quotidien - meubles, jouets, articles de sport et de loisirs, articles de bricolage et de jardinage - via des bornes de collecte spécifiques. "Ces objets peuvent ainsi être réparés pour avoir une deuxième vie ou seront sinon recyclés, indique le ministère. Pour réparer et remettre en état ces produits usagés, des fonds de financement du réemploi de 50 millions d’euros par an sont destinés aux associations et entreprises de l’économie sociale et solidaire."
Nouvelle filière REP pour les emballages professionnels
D'autres mesures seront aussi "prochainement mises en place pour poursuivre la lutte contre toutes les formes de gaspillage dans notre quotidien", assure-t-il. La loi prévoit ainsi que l’indice de réparabilité devienne un indice de durabilité à partir de 2024. "En plus de la facilité à réparer, cet indice de durabilité prendra en compte de nouveaux critères comme la robustesse, la fiabilité et l’évolutivité des produits, indique le ministère. Les smartphones, les téléviseurs et les lave-linges seront les premiers concernés." Au printemps 2023, les tickets de caisse seront imprimés à la demande du consommateur pour les petits achats du quotidien. Une nouvelle filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) doit en outre voir le jour au 1er janvier 2025 pour mieux réemployer et recycler les emballages du secteur professionnel (palettes, films, caisses, etc.).
Bouteilles plastiques : décision attendue à l'été prochain
Autre défi posé par la loi : "aller plus loin sur la collecte des emballages, notamment des bouteilles plastiques, pour viser 90% de collecte pour recyclage en 2029 et développer le réemploi des bouteilles". Une concertation nationale a été lancée le 30 janvier dernier pour "partager les solutions" qui doivent permettre d’atteindre les objectifs de collecte, de recyclage et de réemploi fixés par la loi, rappelle le ministère. La consigne, sujet toujours très sensible du côté des collectivités (voir notre article du 31 janvier 2023) fait partie des solutions étudiées, ainsi que d’autres leviers. L’objectif est de prendre une décision à l’été prochain sur les nouvelles solutions de collecte à déployer d’ici 2029. L'enjeu est de passer à cette échéance à un taux de collecte de 90% des bouteilles en plastique contre 61% aujourd'hui.
À partir de 2025, la loi prévoit également de déployer plus largement les poubelles de tri dans l’espace public - parcs, rues, places -, dans le but d’améliorer la collecte et le recyclage. Alors qu'elle a fixé à 2040 la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique, un décret a déterminé des objectifs de réduction, de réemploi et de recyclage. Ces objectifs pour 2025 sont de réduire de 20% les emballages plastiques à usage unique, mettre fin aux emballages plastiques non recyclables et développer les emballages refabriqués en plastique recyclé.
Filière des textiles
Le ministère rappelle aussi les cinq grands chantiers prévus par la nouvelle feuille de route 2023-2028 de la filière des textiles, adoptée récemment par le gouvernement, avec près d’un milliard d’euros de financements : atteindre en 2028 60% de textiles collectés et 80% de textiles recyclés en développant la filière de recyclage ; mieux réparer, grâce à 150 millions d’euros de bonus réparation pour réduire les coûts de la réparation des vêtements et des chaussures ; développer la deuxième vie des textiles avec 100 millions d’euros pour financer les associations qui remettent en état les textiles usagés ; soutenir les entreprises vertueuses qui fabriquent des textiles durables, respectant des labels environnementaux, et fabriqués à partir de matières recyclées.
Pour éviter les rejets de microplastiques qui polluent les océans, la loi prévoit en outre que les lave-linge neufs soient équipés d’une solution de filtrage des microfibres de plastique à partir du 1er janvier 2025.
Tri et valorisation des biodéchets
L’État doit par ailleurs accompagner les collectivités pour qu’elles proposent à tous les habitants une solution de tri des déchets alimentaires, qui représentent le tiers du contenu de leur poubelle résiduelle. L'idée est de valoriser ces biodéchets en biogaz utilisé localement pour le chauffage urbain, ou en compost pour les filières agricoles.
Autre mesure qui doit être mise en place prochainement : le déploiement de bonus et malus d’éco-conception afin d’inciter les fabricants à rendre leurs produits plus durables et plus recyclables. "Les fabricants qui conçoivent leurs produits de manière plus écologique bénéficieront d’un bonus sur la contribution qu’ils versent à leur éco-organisme, explique le ministère. A contrario, les fabricants qui ne respectent pas une démarche d’écoconception auront un malus. Cette mesure incitera financièrement les industriels à repenser en profondeur leur modèle dès la conception des produits."
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