Tout en se réjouissant de l'inclination prise par la réforme de la politique agricole commune (PAC), le Comité des régions reste perplexe sur l'attitude du Parlement. Les eurodéputés de la commission Agriculture ont défini leur position commune lors de deux jours de vote marathon, mercredi 23 et jeudi 24 janvier. Près de 8.000 amendements ont été examinés.
Seuil à 200.000 euros
Parmi les mesures phares proposées par la Commission européenne en octobre 2011, celle du plafonnement des aides directes a été acceptée. Une exploitation ne pourra pas toucher plus de 300.000 euros par an, avec une dégressivité à partir de 150.000 euros. Dans ce calcul, les charges sociales seront déduites.
Toutefois, le président de la commission Ressources naturelles du Comité des régions, le Français René Souchon, déplore "que les seuils actuellement proposés par la commission Agri soient trop élevés pour permettre une réelle redistribution". Le président de la région Auvergne souhaite ramener ce seuil à 200.000 euros. Mais cette revendication a peu de chances d'être retenue. Certains Etats, comme l'Allemagne, qui compte de nombreuses grandes exploitations en ex-RDA, sont ouvertement opposés à tout plafonnement des aides.
Mesures moins strictes
Les députés ont par ailleurs entériné un autre sujet-clé de la réforme : conditionner 30% des aides directes reçues par les agriculteurs au respect de mesures environnementales. Mais ils ont élargi et assoupli les critères d'éligibilité des exploitations, au risque de réduire l'efficacité de la mesure. En octobre 2011, la Commission a proposé trois conditions : la diversification des cultures (au moins trois), le maintien de prairies permanentes et la présence de réservoirs écologiques (7% des terres). Les agriculteurs disposant du label biologique, situés sur une zone de protection des oiseaux, ou de petites tailles, étaient les seuls à pouvoir bénéficier d'une dérogation. Les élus ont élargi le spectre. Désormais une série d'exploitations seront automatiquement éligibles aux 30% d'aides vertes : celles qui ont engagé des mesures agroenvironnementales, dont les terres sont classées Natura 2000, qui disposent de 75% de prairies ou d'une équivalence de certification environnementale nationale. Dans le même temps, les contraintes de diversification des cultures sont réduites et la mise en place des réservoirs écologiques devient progressive.
Droits de plantation
La réforme des droits de plantation des vignes a aussi été abordée lors des votes. Les députés ont approuvé un texte prolongeant purement et simplement jusqu'en 2030 le système actuel. Ce vote est à prendre avec des pincettes. Il s'inscrit dans les discussions entre les Etats, la Commission européenne et les professionnels. En 2008, une réforme prévoyait de libéraliser complètement les autorisations de planter de nouvelles vignes. Le commissaire Dacian Ciolos a accepté seulement récemment de revenir sur ce principe, à condition de construire une nouvelle régulation souple. La présidence tournante de l'UE, assurée par l'Irlande jusqu'en juin, doit faire des propositions dans ce sens d'ici quelques semaines. En choisissant de voter un simple report, le Parlement a souhaité "envoyer un signal politique", a expliqué une source proche du dossier à EurActiv.fr. De nombreux détails techniques restent encore à trancher comme la date de mise en œuvre de la future réglementation, les mécanismes de décision, etc.
Plus de progressivité
L'ajustement du niveau des montants entre les agriculteurs des 27 pays de l'UE est aussi un sujet sensible entre l'ouest et l'est de l'Europe. La Commission a proposé de réduire de 30% l'écart entre la moyenne européenne (269 euros) et ceux qui touchent moins de 90% de cette somme. Les députés sont plus ambitieux et demandent que tous les agriculteurs touchent au moins 65% de ce montant. Avec une aide moyenne à 280 euros, les agriculteurs français seront peu touchés.
Le Comité des régions a accueilli favorablement ces modifications, de même que la possibilité ouverte par le Parlement européen de transférer jusqu'à 15% des fonds du premier pilier (paiements directs) vers le second pilier (fonds de développement rural).
Pour les exploitations de taille réduite, la Commission a proposé une aide unique de 1.000 euros, avec une procédure administrative simplifiée. Les députés l'ont relevé à 1.500 euros et veulent consacrer 2% des aides directes à l'établissement de jeunes agriculteurs.
L'adoption du texte en session plénière doit avoir lieu en mars. D'ici là, la bataille va continuer. En effet, les députés Verts estiment que les textes préparés par la commission parlementaire diluent complètement le verdissement de la PAC souhaité par la Commission européenne. Cette dernière s'est d'ailleurs montrée très critique.
Enjeux budgétaires
En parallèle, des élus conservateurs du Parti populaire et des sociaux-démocrates ont déjà prévenu que des ajustements seraient possibles, en fonction du budget qui sera dédié à la PAC pour 2014-2020. En cas de coupes, le "verdissement" de la PAC pourrait de nouveau en faire les frais.
Les chefs d'Etat et de gouvernement doivent se retrouver à Bruxelles les 7 et 8 février pour trouver un accord sur les perspectives financières de l'UE pour les sept ans à venir. Jusqu'à présent, le budget agricole, principal poste de dépenses de l'UE (40%), a été soumis à une forte pression. Il pourrait se situer autour de 370 milliards d'euros au lieu des 400 milliards alloués entre 2007-2013.
Si, d'ici le mois de juin, un accord sur la nouvelle PAC est conclu, il est déjà acquis que la réforme entrera en application à partir du 1er janvier 2014 seulement progressivement. Car le temps d'adaptation des systèmes informatiques et des administrations aurait nécessité un accord. Celui-ci était prévu en décembre 2012 mais a été reporté sine die.
Les 18 et 19 mars, les ministres de l'Agriculture des 27 se réuniront pour tenter de définir leur propre position. Les négociations entre les deux institutions doivent ensuite débuter. De nombreux points de désaccord devront être aplanis.
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