Il y a quelques semaines, Frédéric Mitterrand présentait le bilan de la politique de son ministère en faveur du patrimoine religieux (voir notre article ci-contre du 8 mars 2012). Le ministre de la Culture indiquait notamment que ce patrimoine cultuel représentait environ 30% du parc des monuments protégés, mais bénéficiait d'environ 48% des crédits consacrés aux monuments historiques et délégués aux services déconcentrés, soit une enveloppe annuelle de plus de 100 millions d'euros. Près du tiers de cette enveloppe est allée aux 87 cathédrales appartenant à l'Etat, ce qui a permis d'engager des travaux sur 44 d'entre elles.
Sans contester ces chiffres, l'Observatoire du patrimoine religieux a une vision quelque peu différente. Cette association - qui regroupe des représentants de plusieurs organismes de défense du patrimoine et compte un comité d'honneur accueillant de nombreuses personnalités - raisonne en effet sur les 100.000 édifices, dont 15.000 protégés au titre des monuments historiques, qui composent le patrimoine religieux français, soit environ 2,5 monuments par commune. Selon l'observatoire, "en dépit de l'excellent travail de nombreux maires ou responsables des lieux de culte, le patrimoine religieux reste fragile et menacé. Vols à répétition, ventes et transformations de lieux de culte, destructions et - pire encore à long terme - abandons purs et simples, constituent les premières menaces".
Mais l'association pointe aussi le fait qu'"à l'échelle nationale, le patrimoine le plus ancien n'est pas toujours entretenu ou restauré à sa juste valeur". Cette situation tient bien sûr à la fermeture de très nombreuses églises faute de prêtres et de fidèles, aux moyens publics insuffisants pour faire face aux travaux nécessaires et à l'absence d'une véritable tradition française en matière de mécénat, contrairement aux pays anglo-saxons.
Des ventes de plus en plus fréquentes
Mais s'ajoute à ces phénomènes l'abandon ou la vente des églises par certaines communes, faute de moyens ou d'intérêt. L'observatoire estime à environ deux cents le nombre d'églises qui sont "immédiatement menacées en France métropolitaine". Le phénomène n'épargne pas les grandes villes. L'observatoire cite ainsi le cas de Paris, malgré le plan Eglises mis en place dans les années 1990, mais qui, selon l'association, semble s'effilocher depuis 2004. La ville a ainsi récemment donné son accord à la destruction ou à la "privatisation" de certains édifices cultuels comme l'église Sainte-Rita dans le XVe arrondissement (dont la destruction a été autorisée par la ville) ou la chapelle de l'ancien hôpital Laennec, vendue par l'AP-HP à un promoteur.
Toujours selon l'observatoire, l'état actuel du patrimoine culturel fait que "dans les vingt prochaines années, 20 à 30% des monuments religieux français devront être restaurés". Face à l'ampleur de la tâche, l'association estime qu'il faut dès maintenant actionner trois leviers : une action en amont, pour éviter, repousser ou étaler les travaux les plus onéreux ; la multiplication des actions "citoyennes", telles que des chantiers d'insertion pour certains travaux qui peuvent être assurés par des bénévoles, sous la responsabilité d'un professionnel ; la générosité du public, des grands mécènes comme des petits donateurs, qui repose a minima sur le maintien des avantages fiscaux existants.
L'observatoire n'est cependant guère optimiste et estime que "sauf mobilisation majeure des Français, près de 5 à 10% de cet ensemble monumental pourrait avoir disparu à horizon 2030, soit entre 5 et 10.000 édifices !" A titre de comparaison, il cite une enquête de 2010 du National Churches Trust britannique concluant que seuls 7 à 8% des édifices religieux d'outre-Manche (sur 48.000 monuments) sont en état médiocre ou très médiocre.
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