Peu importe si elle manque d'argent sonnant et trébuchant, la promesse à 315 milliards d'euros du nouveau président de la Commission européenne tient les secteurs professionnels en haleine. Le transport pourrait représenter jusqu'à un tiers de cette somme, provenant essentiellement de ressources privées.
En France, la filière guette avec impatience l'arrivée de nouvelles sources d'investissements, capables de compenser la disette budgétaire nationale, aggravée par la perte des recettes de l'écotaxe. "Si ce n'est pas au niveau français, peut-être au niveau européen", affirmait en septembre dernier le PDG de Transdev, Jean-Marc Janaillac, en faisant allusion aux ambitions esquissées par Jean-Claude Juncker.
Les autoroutes en pole position
Un rapport remis le 3 décembre aux ministres européens des Transports détaille ces projections. Elaboré par Henning Christophersen, ancien commissaire reconnu comme le "père" du réseau transeuropéen de transports, le document évoque la possibilité d'attirer 127 milliards d'euros d'investissements via le recours aux "instruments financiers". Les autoroutes capteraient l'essentiel de la manne, avec 63 milliards d'euros à la clé, suivies du ferroviaire (30 milliards), des voies navigables (17 milliards) ou encore des ports (12 milliards).
Plusieurs projets français sont mentionnés à titre indicatif parmi les prétendants potentiels. C'est le cas du port de Calais, pour lequel la France sollicite une garantie d'emprunt, afin de faciliter le financement de travaux d'extension, chiffrés à 700 millions d'euros. Le chantier, qui ne serait parachevé qu'en 2020, pourrait démarrer dès la fin de l'année 2015. Deux autres projets, dont l'ouvrage commencerait en 2017, sont également cités. La nouvelle liaison urbaine entre Roissy et Paris, baptisée Charles de Gaulle Express, nécessiterait un bouquet de financements alliant prêts, fonds propres et subventions, pour boucler un montage financier estimé à 1,6 milliard d'euros. Figure également le canal Seine-Nord, qui faciliterait le passage de bateaux de grande taille pour acheminer des marchandises vers Dunkerque, Anvers ou Rotterdam. Ce projet à 4 milliards d'euros pourrait être financé à 60% par de l'ingénierie financière, estiment les auteurs du rapport. Le gouvernement français ne semble pas de cet avis, privilégiant l'enveloppe de subventions dédiées aux transports dans le budget européen.
Un dispositif ambigu
C'est toute l'ambiguïté générée par le lancement de deux dispositifs parallèles de financement : le plan Juncker d'un côté, le mécanisme d'interconnexion de l'autre. La commissaire aux Transports, Violeta Bulc, présente cette double entrée comme un progrès : "Nos projets prioritaires du RTE-T pourront désormais être éligibles aux subventions du mécanisme d'interconnexion et aux instruments financiers du nouveau fonds", affirme-t-elle.
Certes, le plan Juncker pourra servir de sas de rattrapage aux projets qui ne peuvent bénéficier des subventions du budget européen, réservées aux ouvrages jugés ultra-prioritaires par Bruxelles, comme le Lyon-Turin. Il pourra aussi intéresser les collectivités en finançant la mobilité urbaine (tramways, métros…), aujourd'hui exclue des fonds du mécanisme d'interconnexion.
Néanmoins, de nombreux doutes demeurent sur la nature des montages financiers, taillés pour des investisseurs en quête de rentabilité. Ce qui nécessite de mettre en place des partenariats public-privé. "Des équipes dédiées devraient se rendre dans les Etats pour les aider à adapter leurs procédures de commande publique", suggère même le rapport Christophersen.
Méfiance des entreprises ferroviaires
Dans le secteur du ferroviaire, les opérateurs historiques gardent leurs distances à l'égard des financements innovants. Dans un communiqué, la Communauté européenne du rail, un lobby qui les représente à Bruxelles, estime que le mécanisme d'interconnexion "reste l'instrument le plus approprié pour financer les investissements en infrastructures". Or, les milliards d'euros prélevés dans l'enveloppe transports du budget européen pour alimenter le fonds Juncker ne seront pas automatiquement affectés au soutien du secteur. De même, la perspective de soulager les Etats en ne prenant pas en compte leur contribution au plan Juncker dans le calcul de leur déficit, n'est pas accueillie à bras ouverts par toutes les capitales.
Réunis à Bruxelles le 3 décembre, les ministres européens des Transports ont renoncé à inclure cette option dans leurs conclusions. Certains pays du Nord semblent avoir émis des réserves. La ministre suédoise Anna Johansson n'a fait aucun mystère de son scepticisme sur les vertus prêtées au plan Juncker : "Il faut être assez prudent lors de l'utilisation de certains instruments financiers. Les nouvelles sources de financement doivent être examinées de très près et ne pas grever notre budget."
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