Un quart du littoral métropolitain subit l'érosion, ce phénomène prévisible et quantifiable. Plus de 850 communes sont vulnérables à la submersion marine. 20% des résidences qui y sont menacées sont de plain-pied. Et 5.000 à 50.000 logements seront potentiellement atteints en 2100 par le recul du littoral, selon le Cerema. Dans une trentaine de communes, ces logements menacés abritent au total plus de 10% de leur population.
Reposant sur une revue de littérature pluridisciplinaire, des visites et entretiens de terrain, notamment avec des régions et services de l’État, la note ouverte au débat collaboratif publiée le 15 juillet par le think tank la Fabrique écologique revient sur cet enjeu en fournissant "un diagnostic rigoureux, exhaustif et qui met en évidence le chemin qu'il reste à parcourir pour une politique d’adaptation efficace".
Les acteurs locaux et responsables de collectivités peuvent directement se référer à l'analyse effectuée de quatre types d’actions d’adaptation. Digues, épis, enrochement : la première action consiste à construire ou conforter (20% du linéaire côtier l'est déjà) des ouvrages de protection. Dans les intercommunalités, la Gemapi et la taxe qu'elle permet de lever peuvent contribuer au financement d'actions de ce type. Mais il ressort des rencontres de terrain que des difficultés perdurent, la taxe en question ne suffisant guère et ne réglant pas le problème du manque d'ingénierie. La compétence a même du mal à être transférée…
Du béton aux herbiers
Le confortement d’ouvrages de protection fait partie des actions éligibles à la labellisation Papi (programmes d'actions de prévention des inondations). Financer des ouvrages de maintien du trait de côte est plus compliqué car, comme le souligne la Fabrique écologique, "les collectivités et services de l’État ne considèrent plus l’enrochement comme une solution pérenne pour lutter contre l’érosion" - certaines collectivités comme la région Nouvelle-Aquitaine ont ainsi fait le choix de ne plus financer ces ouvrages. Des modes d'intervention plus doux sont possibles : végétalisation des falaises et dunes, mise en place d'herbiers qu'il s'agit de préserver dans les zones de mouillages, solutions fondées sur la nature dont il reste à valoriser l’efficacité par rapport aux ouvrages en dur, perçus comme plus rassurants. L’option du "laisser-faire" et de la dépoldérisation pour "laisser les phénomènes d’élévation du niveau de la mer, d’érosion et de submersion affecter les lieux" n'est pas forcément acceptée par les élus, qui y voient "une défaite face à la mer" et sont réticents à l’idée de "laisser la mer recouvrir leur territoire". Quant au rechargement de plage par du sable prélevé ailleurs, il a son coût, de l'ordre de 250.000 euros par exemple pour une commune telle que Lacanau.
La maîtrise de l’urbanisation et l'élaboration par les services de l’État de plans de prévention des risques naturels (PPRN) ou des risques littoraux (PPRL), lesquels peuvent susciter des oppositions des élus et des habitants, sont aussi évoqués. Ces PPRN/PPRL intègrent des prescriptions d’adaptation du bâti. Mais il remonte du terrain que ces travaux ne sont généralement pas réalisés et les propriétaires peu informés. Faudra-t-il en arriver à un système comparable, dans l'immobilier, au diagnostic de performance énergétique (DPE), pour que l’information sur le risque et les obligations de travaux apparaissent dans l'annonce de la vente du bien ?
Maîtriser les enjeux dans les zones menacées
Les trois services ministériels aux manettes du rapport d'inspection commandé en octobre dernier par les ministre de l’Intérieur, de la Transition écologique et solidaire et de l’Action et des Comptes publics, et dont les propositions viennent d'être rendues publiques, s'accordent aussi sur l'urgence de réformer l’information des acquéreurs et locataires (IAL), en commençant par se focaliser sur les ventes et ce en vue de "faciliter l’intégration de la connaissance de l’aléa dans les transactions immobilières et d’orienter le marché immobilier vers les zones non exposées". Pour la mission, cette IAL devrait être rendue obligatoire sur les communes où une transmission d’information aux maires (TIM) sur les risques majeurs a été effectuée par le préfet. À l’image de ce qui est fait pour les DPE, cette information figurerait en amont de la transaction - "par exemple dans l’annonce de la vente" – et l’acquéreur devrait signer, sous peine de nullité de la vente, un document attestant qu’il est "informé qu’il ne pourra être indemnisé si son bien devient inhabitable ou inutilisable du fait de cette érosion".
Cette procédure de TIM ouvre également d'autres horizons. Les préfets l'utilisent déjà pour communiquer aux maires "toute information qu’ils jugent utiles à la connaissance des risques, à l’élaboration des documents d’urbanisme ou à l’information préventive de la population exposée". En systématisant leur délivrance, pour qu'elle le soit "en continu", "au fur et à mesure de l'acquisition des connaissances" et sur le fondement de cartes d’aléas suffisamment précises pour faire face à d’éventuels contentieux, ces informations seraient utiles aux maires confrontés dans ces zones menacées à des demandes d’autorisations d’urbanisme. Pour la mission, cela les "responsabiliserait" dans la délivrance de permis de construire ou d’autorisations d’urbanisme dans ces zones. Un "mieux que rien" dans l’attente d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN) intégrant l’aléa d’érosion.
Un point intéressant est par ailleurs fait en annexe 3 du rapport sur la jurisprudence en cas de refus de permis de construire dans une zone couverte par un PPRN, cet "outil privilégié de maîtrise de l’aménagement du fait des risques naturels ou technologiques".
Bâtir des projets de territoire
Pour régler l’insuffisance d’ingénierie dans une partie des territoires littoraux et l'impossibilité pour ce type de risque naturel, progressif et anticipable, de bénéficier d'un recours au fonds Barnier, la mission propose d'apporter aux collectivités porteuses de projets, cite-elle, "des cofinancements, une assistance à l’ingénierie et d’éventuels assouplissements réglementaires". Le tout dans le cadre d’une contractualisation avec l’État autour de "projets de territoire" élaborés à l’échelle intercommunale. Redéployer de l'ingénierie ne se fera qu'en s'appuyant sur la mobilisation d'un réseau d’acteurs : agences d’urbanisme, universités, écoles d’architecture, bureaux d’étude privés, ainsi que la Caisse des Dépôts qui compte davantage se mobiliser sur ce sujet d’accompagnement de la recomposition spatiale des littoraux.
Pour assurer le financement de l’adaptation au recul du trait de côte, les communes et intercommunalités littorales "constituent un niveau de solidarité pertinent". Mais l’autofinancement par les premières des opérations de recomposition spatiale "sera difficilement réalisable". D'où l'idée d'un "fonds d’aide à la recomposition du littoral" (Farl), principalement alimenté par les collectivités littorales et propriétaires littoraux, capable de capitaliser des ressources et de "faire ainsi face à l’irrégularité des dépenses, et à leur progression au cours des décennies". Comment serait financé ce fonds ? Par le budget général de l’État pendant les cinq premières années de montée en charge, puis en augmentant le taux de la taxe communale additionnelle sur les droits de mutation, ou encore via une péréquation sur les ressources des collectivités locales concernées.
Enfin, deux visions s'opposent au sujet de la délivrance d’autorisations d’urbanisme dans les zones menacées par le recul du trait de côte. Pour l'inspection générale des finances et celle de l'administration, "les communes et EPCI compétents en matière d’urbanisme pourraient définir au sein des espaces menacés par ce recul du trait de côte des zones dans lesquelles les autorisations d’urbanisme seraient délivrées systématiquement à titre non pérenne, avec une échéance inférieure à la date de recul du trait de côte prévue". Pour le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), "une telle possibilité serait en contradiction avec la nécessité de faire émerger dès maintenant un modèle de développement alternatif, privilégiant l’implantation des équipements et des bâtiments en rétro-littoral et la libération-renaturation des espaces menacés".
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFoqZ6bpaF6pcGMramaoaRisaZ5wqirnmWlo7Juus6urZ6knJp6t63GrpxmnJViwbOt1ZqssWWVo3qxvsisnGaZppqwbrjErGScp5yhsqTAyK%2BgrZ2j