les laboratoires dpartementaux enfin autoriss pratiquer les tests Covid-19

July 2024 · 7 minute read


Plusieurs départements le réclamaient déjà ; Olivier Véran l'annonçait dans un tweet le 3 avril ; c'est désormais chose faite avec un décret et un arrêté publiés au Journal officiel du 6 avril (seuls textes du jour) : les laboratoires départementaux d'analyses vont désormais pouvoir participer officiellement aux tests de dépistage du covid-19. Dans une interview au Figaro du 6 avril, Dominique Bussereau, le président de l'ADF (Assemblée des départements de France) explique ainsi : "Depuis plus de dix jours, nous avions demandé que nos laboratoires pluridisciplinaires soient rapidement mis au boulot. Samedi, sur instruction du chef de l’État, le gouvernement a enfin autorisé nos laboratoires à travailler, […] en collaboration avec les ARS".

Tous les laboratoires sont susceptibles d'être réquisitionnés

Le décret et l'arrêté ont une vocation plus large que les seuls laboratoires départementaux. Le décret du 5 avril complète le décret de référence du 23 mars 2020 "prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire". Il se situe dans la perspective de la rapide montée en puissance des tests de dépistage, en particulier lors de la phase de déconfinement. Le texte donne en effet aux préfets de départements, si les laboratoires de biologie médicale ne sont pas en mesure de faire face au nombre de tests nécessaires, la possibilité soit de réquisitionner les "autres laboratoires autorisés à réaliser cet examen ainsi que les équipements et personnels nécessaires à leur fonctionnement", soit de procéder à "la réquisition des équipements et des personnels de ces mêmes laboratoires nécessaires au fonctionnement des laboratoires de biologie médicale qui réalisent cet examen".
Pour sa part, l'arrêté du 5 avril complète l'arrêté de référence du 23 mars 2020, en listant les laboratoires concernés par ces réquisitions. Trois catégories sont ainsi susceptibles d'être réquisitionnées : les laboratoires d'analyses départementaux agréés, les laboratoires accrédités suivant la norme ISO/CEI 17025 et, enfin, les laboratoires de recherche affiliés à un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, à un établissement public à caractère scientifique et technologique, à un GIP ou à une fondation de coopération scientifique. La liste de cette troisième catégorie est mise en ligne sur le site du ministère de la Santé.
Pour ces laboratoires réquisitionnés, l'examen de "détection du génome du SARS-CoV-2 par RT PCR [Polymerase Chain Reaction, ndlr]" s'effectue "sous la responsabilité d'un laboratoire de biologie médicale, dans le cadre d'une convention passée avec lui". Les comptes rendus d'examen doivent être validés par le biologiste médical.

Des situations et des moyens très divers

Les laboratoires mentionnés dans l'arrêté du 5 avril, n'ont pas en effet, une vocation naturelle à réaliser ce type de tests. Les laboratoires départementaux d'analyses, dont les missions ont été précisées par un décret du 30 décembre 2015, ont en effet vocation à intervenir "notamment dans les domaines de la santé animale, de l'hygiène alimentaire, de la santé des végétaux et de la surveillance sanitaire des produits de la mer", l'hygiène alimentaire incluant également le contrôle de l'eau. Depuis la loi du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale, seuls les laboratoires de biologie médicale – autrement dit disposant de médecins biologistes – étaient autorisés à traiter des échantillons de provenance humaine. Le covid-19 fait tomber provisoirement cette barrière, sans modifier pour autant la loi.
Les laboratoires départementaux d'analyses (LDA) sont de taille très variable. En Normandie par exemple, Labéo – qui regroupe les laboratoires départementaux d’analyses du Calvados, de l'Eure, de la Manche et de l’Orne – dispose d'une équipe de 400 personnes et réalise environ 1,25 million de dosages par an, pour 80.000 clients en France et à l’étranger. Même chose pour Inovalys, qui regroupe l'Indre-et-Loire, la Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire et la Sarthe et compte 430 collaborateurs. Plus inattendu, le laboratoire Qualyse fédère, sous forme d'un syndicat mixte, quatre départements qui ne sont pas tous limitrophes (Corrèze, Charente-Maritime, Deux-Sèvres et Vienne). Il dispose de 190 salariés répartis sur trois sites. Pour sa part, Terana regroupe les LDA du Cantal, de la Loire, de la Haute-Loire, du Puy-de-Dôme et du Rhône et compte 130 salariés. D'autres départements se sont limités à une mutualisation d'expertise et de moyens, tout en conservant leurs LDA. C'est le cas, par exemple, de Public Labos, qui fédère les LDA du Gers, du Lot, du Tarn et du Tarn-et-Garonne.
À l'inverse, d'autres LDA sont restés isolés et sont donc de taille plus modeste. Celui de la Seine-et-Marne (1,4 million d'habitants), par exemple, ne compte qu'une trentaine de salariés, contre 42 pour le LDA de la Creuse (117.000 habitants) et 50 pour celui de la Gironde (1,58 million d'habitants). Et il est difficile de trouver trace, du moins sur internet, de LDA à Paris et dans les départements de petite couronne. C'est donc clairement le caractère agricole plus ou moins prononcé des départements qui explique les différences entre LDA. Au total, les 75 LDA emploieraient environ 4.500 salariés.

Quelle contribution de la part des LDA ?

Outre la répartition inégale des moyens au détriment des zones urbaines – mais les prélèvements peuvent toujours se transporter –, se pose la question de l'apport potentiel des LDA à la détection du covid-19.  Selon Alain Navarret - conseiller départemental de la Manche (et vétérinaire), qui représente ce département au sein du bureau de Labéo – interviewé par Ouest France le 3 avril, "les laboratoires d’analyses français [les LDA, ndlr] seraient capables de réaliser quotidiennement 20.000 tests PCR, une technique qui permettrait de détecter le virus via un prélèvement nasal ; et 80.000 tests sérologiques, qui permettraient d’attester des anticorps produits dans le sang suite au passage du virus, soit un potentiel considérable de 100.000 tests par jour".
Selon une note adressée par des LDA à la direction générale de la santé (DGS), les 75 laboratoires français pourraient réaliser, au terme d'une quinzaine de jours de montée en puissance, entre 150.000 et 300.000 tests PCR par semaine. Un apport très loin d'être négligeable.

Un calendrier en phase avec la gestion de la crise sanitaire

En tout état de cause, les LDA et certains exécutifs départementaux demandaient à être intégrés au dispositif depuis plusieurs jours. Selon une enquête du magazine Le Point, une proposition en ce sens aurait été adressée à la DGS dès le 15 mars. Gérard Larcher, le président du Sénat (et vétérinaire) l'aurait évoqué à deux reprises avec Emmanuel Macron, qui se serait déclaré favorable. Dominique Bussereau et Bruno Retailleau (sénateur de la Vendée et président du groupe LR au Sénat) ont également évoqué la question avec Édouard Philippe. Aujourd'hui, les acteurs locaux pointent du doigt la DGS et les ARS, qui mettaient en avant des problèmes de normes. Pour autant, cet apport décalé des LDA est en phase avec la gestion de la crise sanitaire. Limités en phase de confinement (essentiellement pour les soignants et les suspicions de cas) et couverts par les laboratoires de biologie médicale, les besoins en tests de dépistage vont monter en flèche lorsque viendra le déconfinement et qu'il faudra tester massivement la population pour savoir si le virus continue ou non de circuler, connaître le degré d'immunité de la population et prévenir une éventuelle résurgence de l'épidémie.
En attendant, certains départements n'ont pas attendu pour se préparer. Le LDA des Bouches-du-Rhône avait ainsi anticipé cette évolution en passant une première commande de 200.000 euros pour des réactifs PCR, indispensables pour réaliser les analyses. Arrivée en fin de semaine dernière, elle devrait permettre au laboratoire départemental de réaliser les premiers tests dès le 6 avril. Les autres départements concernés, dont beaucoup se tenaient également déjà prêts, devraient suivre très rapidement.

Références : décret n°2020-400 du 5 avril 2020 complétant le décret n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ; arrêté du 5 avril 2020 complétant l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire (Journal officiel du 6 avril 2020).

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