Le Sénat a adopté ce 27 mai, une version "profondément remaniée" du projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet. Le ministre de la Culture, Franck Riester, a tenté en vain tout au long des discussions de rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale, y compris en réintroduisant le régime dérogatoire aux règles de droit commun (en matière d’urbanisme, d’environnement, de patrimoine et de commande publique) prévu à l’article 9, dont la suppression a été actée par le Sénat dès l’examen en commission, avec l’assentiment de quasiment tous les groupes. La présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly (UC-Seine-Maritime), a regretté le choix du gouvernement de s’opposer par principe à l’ensemble des amendements parlementaires, épinglant son obstination "à rétablir des dispositions d’exception aussi inutiles que dangereuses".
Querelles de calendrier
Tandis que le chef de l’Etat a réaffirmé vendredi le calendrier "serré" et "volontariste" de cinq ans qu'il a fixé pour rebâtir l’édifice ravagé par les flammes le 15 avril, le Sénat fermement "opposé à l’adoption d’une loi d’exception" et insistant sur le caractère "exemplaire" des opérations de reconstruction de l’édifice, a invité de son côté à ralentir le tempo. Le rapporteur Alain Schmitz (LR-Yvelines) a ainsi jugé "absurde de se laisser enfermer dans le délai de 5 ans si celui-ci doit conduire à rogner sur la qualité du chantier". "Le chantier durera ce qu'il doit durer", a lancé la présidente Catherine Morin-Desailly, appuyée par Olivier Paccaud (LR), selon qui "une reconstruction ne peut pas être une course de vitesse". Même son de cloche dans le camp socialiste. La sénatrice Sylvie Robert a ainsi incité le gouvernement à "prendre le temps nécessaire pour reconstruire cet édifice éblouissant", ajoutant que "le temps de Notre-Dame n'est pas le nôtre, et nul ne peut être plus grand ni plus rapide qu'une cathédrale". Contre l'avis du gouvernement, le Sénat a maintenu sa position sur le calendrier de lancement de la souscription nationale dédiée à la conservation et à la restauration du monument, dont le point de départ a été avancé en commission à la date du 15 avril 2019 , jour du sinistre, (au lieu du 16 avril comme l'avait annoncé le président de la République) pour permettre aux premiers donateurs de bénéficier du taux majoré de la réduction d’impôt (porté à 75% dans la limite de 1.000 euros).
Fidélité y compris dans les matériaux
Le passage en commission a permis d’ajouter une série de garde-fous, notamment en rappelant les engagements internationaux souscrits par la France qui imposent de préserver "l'intégrité et l’authenticité" du monument et en inscrivant, à l’article 2, le principe d'une restitution de l’édifice "dans son dernier état visuel connu avant le sinistre". Le texte impose désormais au maître d’ouvrage de rendre publique une étude présentant les motifs des modifications s’il envisage d’employer des matériaux différents, au terme d’un amendement défendu en séance par le président de la commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), Jean-Pierre Leleux. Cette dernière sera appelée à jouer un rôle essentiel dans la restauration de Notre-Dame, comme le confirme un article additionnel 8 ter ajouté lui aussi en séance pour prévoir expressément sa consultation "sur l'avancement des études et des travaux". Si "nul geste architectural ne s'impose pour que Notre-Dame soit plus belle encore", estime la rapporteure, le choix a été fait d’éviter le mot "identique", de façon à ménager une certaine marge de manoeuvre. "Un débat national aura lieu", promet le ministre, "ne fermons pas la question dès maintenant". L'annonce par le Premier ministre d’un concours international d’architecture organisé pour la reconstruction de la flèche imaginée par Viollet-le-Duc a en effet amorcé le débat architectural, qui devrait en toute logique se poursuivre au sein de la commission mixte paritaire qui aura la difficile mission de mettre les deux chambres au diapason.
Etablissement public ad hoc
Sur la question de l'établissement public destiné à assurer la maîtrise d’ouvrage du chantier (article 8), le ministère continue d’entretenir un certain flou artistique, même si l’inclinaison porte plutôt sur la création, par ordonnance, d’un établissement public administratif (EPA), qui serait alors présidé par le général Jean-Louis Georgelin. La commission a souhaité lever l’ambiguïté en caractérisant l’établissement ad hoc d’EPA et en le plaçant sous la tutelle du ministère de la Culture. Le Sénat a par ailleurs proposé, en séance, d’en caler la durée d’existence sur celle des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale. La composition du comité scientifique qui y sera adossé est également précisée. Le texte rend en outre sa consultation obligatoire et prévoit que les études et opérations de conservation et de restauration de Notre-Dame seront soumises à son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. La dérogation relative à l’âge des dirigeants dudit établissement visiblement introduite dans le seul but de permettre la nomination de la personne pressentie pour le poste est quant à elle supprimée.
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