l'Assemble modifie le volet habitat et transports

October 2024 · 13 minute read


Au cours de leur nouvelle lecture en séance du projet de loi sur la transition énergétique, entamée en fin de journée le 19 mai, les députés ont d'abord confirmé les grands objectifs du texte, notamment la réduction à 50% à l'horizon 2025 de la part du nucléaire dans la production d'électricité. Voté quasiment sans retouche, l'article 1er du projet de loi fixe aussi comme grands objectifs une réduction de 50% de la consommation énergétique finale en 2050, une baisse de 40% des émissions de gaz à effet de serre sur la période 1990-2030 ou une part d'énergies renouvelables dans la consommation de 32% dans 15 ans. Au sein de la commission spéciale sur la transition énergétique courant avril, les députés avaient déjà rétabli l'essentiel de la version du projet de loi qu'ils avaient voté en première lecture à l'automne et que les sénateurs avaient ensuite remanié pour en réduire les ambitions, notamment sur les grands objectifs de consommation et de production d'énergie.

Nouveau débat musclé sur le nucléaire

Le nucléaire a concentré à nouveau la 19 mai au soir nombre d'échanges dans l'hémicycle de l'Assemblée, où le secrétaire d'Etat en charge des Transports Alain Vidalies siégeait au banc du gouvernement, en l'absence de la ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie Ségolène Royal. "La ministre n'est même plus là, ce qui montre que la co-construction (avec les députés) s'est arrêtée à Eboli", a ironisé l'UMP Julien Aubert, dans une référence au roman italien de Carlo Levi "Le Christ s'est arrêté à Eboli". La droite, UMP en tête, a dénoncé les risques de déstabiliser la filière nucléaire, dont Areva, et de "détruire 11.000 emplois" directs, ou affirmé que l'objectif de 50% de part du nucléaire à l'horizon 2025 était "inatteignable", car il supposerait de "fermer 24 réacteurs nucléaires en dix ans".
Mais les députés de droite ont échoué à faire adopter des amendements pour revenir à un texte proche de celui du Sénat, notamment à supprimer toute échéance précise pour cette réduction ou à ajouter plusieurs conditions. Le Front de Gauche n'a pas davantage réussi à conditionner la réduction de 50% au respect des engagements et objectifs français de diminution des émissions de gaz à effet de serre. "L'objectif de 2025 est ambitieux mais permet d'enclencher une dynamique décisive", a plaidé la rapporteure Marie-Noëlle Battistel. Rejetés également des amendements des élus du MRC (chevènementistes, apparentés PS) mais aussi de l'UMP en vue d'une prolongation de la durée d'exploitation des centrales nucléaires. Quant aux écologistes, ils ont tenté sans succès de faire adopter un objectif de 0% de nucléaire à l'horizon 2040 ou d'accroître le taux d'énergies renouvelables programmé d'ici 2030.
Insistant sur la volonté du gouvernement de fixer des "objectifs atteignables" et "un équilibre", Alain Vidalies a refusé d'"être enfermé dans un faux débat" et vanté "l'action déterminée du gouvernement pour reconnaître la participation du nucléaire mais diminuer sa part" autant que pour développer les énergies renouvelables.

Economies d'énergie dans l'habitat

Lors de la séance du 20 mai au soir, l'Assemblée nationale a de nouveau adopté les dispositions du projet de loi concernant les économies d'énergie dans le logement, avec des amendements supprimant des modifications apportées par le Sénat. Les députés sont ainsi allés plus loin qu'en commission pour rétablir des formulations qu'ils avaient adoptées lors de la première lecture et qu'avaient modifiées les sénateurs. Comme pour l'ensemble du projet de loi, ces dispositions seront une ultime fois débattues au Sénat avant que l'Assemblée n'ait le dernier mot.
Les amendements ont été souvent adoptés en accord entre majorité et opposition et avec l'assentiment de la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal. Ainsi, les députés, contrairement aux sénateurs, ont jugé inutiles des travaux pour économiser l'énergie dans les ascenseurs, jugeant que ceux-ci étaient déjà suffisamment équipés à cet égard. Ils ont rétabli la possibilité pour les collectivités locales chargées d'établir un plan climat-air-énergie territorial de conclure des partenariats avec des universités. Les députés se sont aussi interrogés sur l'opportunité d'une mesure votée par le Sénat, rendant progressivement obligatoire, à partir de 2030, la rénovation énergétique des logements à l'occasion d'une mutation (vente ou héritage). La disposition n'a finalement été maintenue qu'après que le secrétaire d'Etat aux Transports Alain Vidalies (qui remplaçait à ce moment Ségolène Royal) a apporté des garanties sur les exceptions dont bénéficieraient les personnes à faible revenu.
Les députés, à la demande de Ségolène Royal, ont aussi accepté à contrecoeur de renoncer à une modulation, par les départements, du taux de la taxe de publicité foncière en fonction de la performance énergétique des bâtiments. Cette mesure, adoptée en première lecture par l'Assemblée, supprimée par le Sénat, puis rétablie en commission à l'Assemblée, a finalement été supprimée en séance le 20 mai à la demande de Ségolène Royal, car, a-t-elle argué, une telle disposition fiscale relève d'une loi de finances.
Sur les compteurs d'électricité "intelligents" Linky, l'Assemblée a rejeté un amendement écologiste qui aurait permis à un consommateur de "s'opposer à la mise en place d'un dispositif de comptage émettant des ondes électro-magnétiques". Elle a en revanche adopté un autre amendement, également présenté par les écologistes, stipulant que les gestionnaires de réseaux d'électricité ne pourront avoir accès en temps réel, grâce aux compteurs Linky, aux données de consommation qu'avec l'accord du consommateur.
Les députés ont en outre voté un amendement du gouvernement supprimant un décret mentionné à l'article 4 du projet de loi prévoyant que les nouvelles constructions publiques doivent contenir un minimum de matériaux issus de ressources renouvelables ou recyclées. Le gouvernement propose à la place "d'élargir le périmètre de la mesure à toutes les constructions, publiques comme privées" et "d'affirmer l'importance des bâtiments à faible empreinte carbone, par la rédaction d'un nouvel alinéa, qui souligne également l'importance de la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre tout au long du cycle de la vie des bâtiments", sans recourir au décret. L'autre décret prévu à l'article 4 du projet de loi, qui définit les exigences auxquelles doit satisfaire un bâtiment à énergie positive, définira aussi les exigences d'un "bâtiment à haute performance environnementale", selon un amendement du député UMP Julien Aubert. Un amendement d'un autre député UMP, Michel Heinrich, rétablit une disposition supprimée par les sénateurs. Il s'agit de faire en sorte que l'étude d'impact préalable à toute opération d'aménagement se penche sur "l'opportunité de la création ou du raccordement à un réseau de chaleur ou de froid ayant recours aux énergies renouvelables et de récupération". Les députés ont également voté un amendement gouvernemental prévoyant que les maisons individuelles du parc social vendues aux particuliers devront aussi "répondre à des normes de performance énergétique minimale fixées par décret". Autre amendement gouvernemental adopté sur le volet bâtiment du texte : la notion de ménage en situation de précarité énergétique sera définie par un arrêté du ministre chargé de l'énergie. Un ménage sera donc considéré comme tel lorsque "son revenu fiscal de référence [sera], compte tenu de la composition du ménage, inférieur à un plafond fixé par arrêté".

Ne dites plus "véhicules propres"...

Sur le volet transports, les députés ont apporté des modifications notables au texte le 21 mai. En vertu d'un amendement du gouvernement qu'ils ont voté, les appellations "véhicules propres", "sobres" ou "écologiques" seront remplacées par les expressions "véhicules à faibles émissions" ou "à très faibles émissions", avec des critères spécifiques. Cet amendement "très important", vise à satisfaire les constructeurs automobiles, qui avaient "très mal pris que l'on qualifie certains véhicules de propres car d'autres allaient être considérés sales", et à "être plus efficace par une définition plus précise" et simplifiée, car des "avantages" sont accordés à de tels véhicules, a expliqué Ségolène Royal. La suppression de la qualification "véhicules propres" ne "dérange pas forcément" les écologistes, car cela pouvait "être abusif pour des véhicules automobiles", a déclaré le député EELV de Paris Denis Baupin lors du débat, tout en demandant plusieurs précisions sur ce que recouvrait les deux nouvelles catégories de véhicules.
La notion de "véhicules à très faibles émissions" sera utilisée dans les cas où le projet de loi prévoit des facilités d'usage. Ces facilités étant d'une portée importante, elles devraient être réservées à un nombre très limité de véhicules, les plus vertueux, afin de cibler l'effet incitatif sur ces derniers et de ne pas perturber les équilibres existants en termes économiques (tarifications des péages et du stationnement) et de gestion de la voirie (circulation sur les voies de bus notamment), précise l'amendement gouvernemental. Ainsi, la formule "véhicules sobres ayant, sur leur cycle de vie, un très faible niveau d'émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques" sera remplacée par "véhicules à très faibles émissions". La notion de "véhicules à faibles émissions" sera utilisée dans les autres cas, notamment dans les dispositions relatives aux obligations d'achat lors du renouvellement des flottes. Les critères correspondant à ces deux niveaux d'exigence écologique pour les véhicules seront définis par décret.

Transports publics : 50% de bus et de cars à "faibles émissions" en 2020

Selon un autre amendement gouvernemental voté par les députés le 21 mai, les transports publics devront comprendre, dans le renouvellement de leurs flottes, au moins 50% d'autobus et d'autocars à faibles émissions à compter de 2020, et même dès le 1er janvier 2018 pour la RATP. L'accélération du déploiement de bus et de cars propres dans les services de transport urbain, périurbain et interurbain figurait dans la feuille de route adoptée à l'issue de la Conférence Environnementale de fin 2014, a rappelé la ministre de l'Ecologie, après une table ronde sur le sujet en début de semaine avec les différents acteurs concernés. L'État, ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements, le Syndicat des transports d'Île-de-France et la métropole de Lyon, lorsqu'ils gèrent directement ou indirectement un parc de plus de 20 autobus et autocars pour assurer des services de transport public, devront donc acquérir ou utiliser lors du renouvellement du parc, dans la proportion minimale de 50% à partir du 1er janvier 2020 puis en totalité à partir du 1er janvier 2025, des autobus et autocars à faibles émissions, définis en référence à des critères fixés par décret, selon l'amendement.
L'amendement du gouvernement "fixe des jalons temporels précis pour le renouvellement des flottes, mais permet une certaine souplesse dans son application via un décret en Conseil d'État", insiste le gouvernement dans l'exposé de sa mesure. La table ronde avec les représentants des collectivités locales, des autorités organisatrices des transports, des entreprises de transport public et des constructeurs de bus et cars a en effet montré notamment la nécessité d'"une souplesse dans l'application pour tenir compte des usages (autobus, autocars, etc), des territoires dans lesquels ils circulent (densité de population, milieu urbain ou rural, etc...), et du degré de développement des technologies, tout particulièrement du réseau d'avitaillement", souligne-t-il.
Les députés ont par ailleurs voté, via des amendements du gouvernement, un tarif réduit des abonnements autoroutiers pour les véhicules à très faibles émissions et pour les véhicules utilisés en covoiturage, indépendamment du rythme de renégociation ou de renouvellement des concessions. La mise en place, obligatoire et systématique, d'une tarification réduite pour les véhicules sobres et peu polluants avait été introduite dans le projet de loi sur la transition énergétique au Sénat, mais dans les cas de renouvellement ou de renégociation d'une concession autoroutière, note l'exposé du gouvernement. A l'initiative du gouvernement, les députés ont donc décidé, lors de leur nouvelle lecture du texte, que cette différenciation tarifaire se ferait "indépendamment du rythme de renégociation ou de renouvellement des différentes concessions" et au bénéfice des véhicules légers à très faibles émissions, mais aussi des véhicules utilisés en covoiturage.

Indemnité vélo à la charge de l'employeur : les députés campent sur leurs positions

Par contre, l'Assemblée nationale s'est opposée au gouvernement en maintenant son vote en faveur de la création d'une "indemnité kilométrique vélo" à la charge des employeurs pour les trajets des salariés entre leur domicile et leur travail. La disposition avait été introduite contre l'avis du gouvernement en septembre, en première lecture du projet de loi, à l'initiative de députés socialistes, écologistes et radicaux de gauche, notamment des membres du club des parlementaires pour le vélo. Le Sénat l'avait ensuite confirmée. Ségolène Royal a demandé aux députés le 21 mai de supprimer cette indemnité - dont le montant serait fixé par décret - visant à faire prendre en charge par les employeurs tout ou partie des frais engagés par leurs salariés se déplaçant à vélo entre leur domicile et leur lieu de travail. La ministre a expliqué qu'"il ne s'agit absolument pas de marquer un quelconque recul" dans l'encouragement à l'utilisation des vélos, mais de répondre à la "demande tout à fait justifiée du ministre des Finances, qui considère que les dispositions fiscales doivent être examinées dans le projet de loi de finances". L'indemnité doit en effet être exonérée de cotisations sociales, dans la limite d'un montant fixé par décret. Pour les salariés, elle serait déductible de l'assiette de l'impôt sur le revenu. Les députés ont rejeté l'amendement de suppression du gouvernement, par 33 voix contre 4. "Bercy a la calculette à la place du cœur !" a lancé le rapporteur Philippe Plisson (PS), repoussant la demande de la ministre. Des parlementaires de tous les bancs ont soutenu la création de cette indemnité, qui permettra "de diminuer les dépenses de santé" à terme grâce à ce sport quotidien, selon Philippe Vitel (UMP), et d'enclencher "une dynamique positive" comme l'ont montré sa mise en oeuvre en Grande-Bretagne et des expérimentations en France, a affirmé Denis Baupin (EELV).

Renforcement de la "servitude de marchepied"

Les députés ont par ailleurs renforcé "la servitude de marchepied", qui oblige depuis 2006 les propriétaires riverains des cours d'eau publics à laisser un passage de 3,25 mètres le long des berges aux promeneurs et dont l'usage avait été restreint par les sénateurs. Selon l'amendement du député PS Germinal Peiro, "la continuité de la servitude de passage, dite servitude de marchepied, doit être assurée tout au long du cours d'eau ou du lac domanial". La "ligne délimitative ne peut s'écarter de celle du domaine fluvial sauf à titre exceptionnel lorsque la présence d'un obstacle naturel ou patrimonial rend nécessaire son détournement. Dans ce cas, la ligne délimitative de la servitude est tracée au plus près de celle du domaine public fluvial dans la propriété concernée", précise l'amendement du député de Dordogne, ardent défenseur de la ruralité et de la randonnée à l'Assemblée.
Cette obligation ne s'applique qu'en bordure du domaine public, "soit 3%" des 525.000 km de berges en France, selon Germinal Peiro, essentiellement celles des grands fleuves et de certains de leurs affluents. C'est d'ailleurs principalement sur un affluent de la Loire, l'Erdre, que des conflits ont lieu depuis des années "parce que la bourgeoisie nantaise, à laquelle appartiennent les villas qui la bordent, ne veut pas que les randonneurs passent devant chez elle", avait expliqué Germinal Peiro en commission. Limitée initialement aux navigants et aux agents de l'administration, cette servitude a été étendue aux pêcheurs dans les années soixante et aux piétons en 2006. En première lecture du projet de loi sur la transition énergétique, l'Assemblée a étendu son usage aux "publics non motorisés et aux véhicules d'entretien et de services".
En première lecture, les sénateurs étaient allés dans le sens des propriétaires en n'autorisant l'utilisation de cette servitude que lorsqu'elle figure "dans un plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée". Cela revenait à annuler le texte de 2006 selon Germinal Peiro pour qui ce combat s'apparente à celui en faveur de la loi Littoral dans les années 80. "Il ne faut pas faire passer les randonneurs pour les hordes d'Attila. Le milieu rural a besoin d'activités de pleine nature", a-t-il martelé dans l'hémicycle le 21 mai.
 

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