Dans la dernière livraison des "Dossiers de la Drees", la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques des ministères sociaux présente les résultats d'une étude sur "Les déserts médicaux : Comment les définir ? Comment les mesurer ?". En une soixante de pages, l'étude s'efforce de lever le voile sur une réalité intuitivement perçue, mais difficile à mesurer de façon objective. Un défi d'autant plus grand que la mise en œuvre de nombre de dispositifs repose sur la reconnaissance du caractère de "désert médical" d'un territoire. Le travail de la Drees vise donc "à rassembler les éléments chiffrés disponibles pour éclairer la question de l'accès aux soins d'un point de vue spatial".
Difficulté d'accès au généraliste pour 8% de la population
Sans entrer dans les détail de l'approche statistique, parfois complexe, on retiendra que l'étude privilégie un instrument de mesure : l'indicateur d'accessibilité́ potentielle localisée (APL), qui permet de tenir compte simultanément de la proximité et de la disponibilité de l'offre médicale, mais aussi de l'âge de la population et de l'activité des médecins.
Sur la base de l'exploitation de cet outil, la situation n'apparaît pas désespérée. En effet, seulement 8% de la population affiche une accessibilité aux médecins généralistes inférieure à 2,5 consultations par habitant et par an, considérée comme la valeur plancher pour la bonne accessibilité aux soins. La population de ces territoires connaît une accessibilité moyenne deux fois plus faible que la moyenne nationale.
Cette faible accessibilité touche des espaces ruraux comme urbains. Un quart de la population concernée par ces difficultés réside ainsi dans un pôle urbain. En outre, la part de population sous le seuil de 2,5 consultations par an et par habitant a légèrement augmenté sur la période 2012-2015.
Les inégalités s'aggravent avec les spécialistes
Autre enseignement de l'étude de la Drees : "Les inégalités d'accès aux médecins généralistes sont à l'heure actuelle d'une ampleur limitée". Les résultats montrent en effet que 98% de la population réside à moins de dix minutes de route d'un médecin généraliste. Même en comparant les 10% de la population ayant le meilleur accès aux soins et les 10% ayant l'accès le plus dégradé, le rapport entre les deux déciles ne dépasse pas un ratio de un à trois.
En revanche, les inégalités en matière d'accès aux spécialistes sont nettement plus prononcées, avec un rapport allant de un à 6 à 19 selon la spécialité considérée. Malgré ces écarts conséquents, plus des trois quarts de la population réside à moins de 20 minutes du spécialiste le plus proche, quelle que soit la discipline considérée. Autre enseignement qui va plutôt à l'encontre des idées reçues : "les disparités départementales de peuplement médical sont aujourd'hui d'un niveau semblable - voire légèrement inferieur - à celui des années 1980".
Ce qui vaut aujourd'hui ne vaut toutefois pas forcément pour demain. Compte tenu des projections démographiques, réalisées notamment par le conseil national de l'Ordre des médecins, une diminution des effectifs libéraux - généralistes comme spécialistes - est à prévoir dans les prochaines années, alors que le nombre de médecins salariés devrait au contraire progresser. Ces évolutions - auxquelles s'ajoutent les effets des mutations de l'exercice libéral dans les jeunes générations (exercice de groupe, exercice prolongé comme remplaçant...) - pourraient accroître les inégalités territoriales d'accès aux soins de premier recours.
0,5% de la population combine trois difficultés d'accès
De façon plus large, l'étude entend favoriser l'évolution vers une définition partagée de la désertification médicale en combinant trois dimensions. A l'accès au médecin (moins de 2,5 consultations par an et par habitant), elle ajoute l'accès aux pharmacies (moins de dix minutes de trajet par la route) et l'accès aux services d'urgence (moins de trente minutes de trajet pour le service le plus proche).
Seulement environ 300.000 personnes, soit 0,5% de la population, combinent les trois difficultés d'accès. La combinaison de deux difficultés est, en revanche, un peu plus fréquente. Par exemple, 1,3% de la population connaît à la fois une faible accessibilité aux médecins généralistes et vit à plus de trente minutes d'un service d'urgences.
Même si l'étude du cumul des difficultés offre une vision plus multidimensionnelle que l'approche classique par profession médicale ou paramédicale, la Drees reconnaît néanmoins qu'elle "met en évidence la difficulté́ à porter un diagnostic unique, même multidimensionnel, sur l'accès aux soins sans spécifier une 'gamme' de recours particuliers". L'étude est en effet centrée sur un recours "de premier contact", spécifique, qui se distingue d'autres types de recours, comme le recours régulier à un environnement médical et paramédical quotidien (chirurgiens-dentistes, gynécologues, ophtalmologues, pédiatres, infirmiers...) ou le recours spécifique à une diversité de spécialités consultées en second recours et lié à des problèmes aigus ou chroniques.
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